Other Men’s Women (William A. Wellman, 1931)

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Drame d´action en milieu ferroviaire, « Other Men´s Women » fait aussi la part belle aux femmes.

Quand sort Other Men’s Women en 1931, le fameux code Hays vient tout juste d’être établi l’année précédente, mais ne sera réellement appliqué qu’à partir de 1934. Si le film est aujourd’hui un peu oublié, il témoigne d’une période riche de la filmographie de son réalisateur, William A. Wellman. C’est à ce dernier que l’on doit notamment Les Ailes (Wings, 1927), l’un de ses plus grands succès avec Une étoile est née (A Star Is Born, 1937), qui fut le premier à recevoir l’Oscar du meilleur film (alors appelé Outstanding Picture) lors de la toute première cérémonie des Oscars en 1929. Réputé pour travailler rapidement et pour être plutôt rude avec ses comédiens, Wellman fait montre, avec Other Men’s Women, d’une grande liberté de ton propre à l’ère Pré-Code. Tumultueux et impertinent, le film ne choque pas beaucoup aujourd’hui, mais rassemble plusieurs des caractéristiques de la période : amours chaotiques, styles de vie décomplexés, bitures et sexualité pas inexistante. On y suit la vie de Bill, conducteur de train homme à femmes qui, après avoir été chassé de la pension qu’il occupait pour état d’ébriété, trouve refuge chez son collègue et meilleur ami Jack, qui vit avec sa femme Lily. Rapidement, Bill et Lily tombent amoureux : un triangle amoureux s’ensuit, qui mènera à un drame.

D’abord produit sous le titre The Steel Highway, en référence à son action installée dans le milieu des chemins de fer, Other Men’s Women rappelle la passion de Wellman pour les transports, en particulier l’aviation. Seul réalisateur ayant eu une expérience de pilote de chasse pendant la Première Guerre mondiale, puis de pilote privé par la suite, il dirigera onze films d’aviation sur une filmographie riche de plus de quatre-vingts films. Si c’est ici le train qui est au centre, on y retrouve plusieurs des thèmes chers au cinéaste, à commencer par celui exposant des destins personnels face à l’adversité. Là où Les Ailes mettait ses héros en confrontation avec la Grande Guerre, le scénario de Other Men’s Women se range davantage du côté de l’intime, et place ses personnages face à leurs propres contradictions : ici un début d’adultère qui vient buter sur une amitié de longue date et dans lequel Bill et Jack ne pourront trouver la rédemption (autre motif récurrent de l’œuvre de Wellman) que dans un sacrifice ultime. Extrêmement soucieux de réalisme, Wellman installe son action dans un décor crédible, avec une réelle volonté de dépeindre au plus près le quotidien des cheminots : si son film ne dure que 70 minutes (une durée brève, habituelle des films Pré-Code du début des années 1930), nombreuses sont les séquences mettant en scène les coutumes des cheminots (rentrée du train au hangar, jeux de cartes entre collègues, soirées passées à boire). 

 
 
 

Ce réalisme d’un milieu professionnel, Wellman le met au même niveau que sa narration, cette fois-ci beaucoup plus débridée et déliée. Parmi les premiers films parlants de la filmographie du cinéaste, Other Men’s Women est aussi l’un de ses plus turbulents, qui file à toute allure – à l’instar de son train – entre ses différentes scènes et décors, et ne s’accorde de répit que pour s’arrêter sur la psychologie de ses personnages. L’écriture de ceux-ci, comme souvent chez Wellman, n’est pas son point fort, et Bill et Jack font souvent figure d’archétypes un brin classiques : l’un déluré et misogyne, l’autre rangé des voitures, pour un clash en bonne et due forme avant réparations (ici un suicide sacrificiel). Le dessin psychologique, s’il manque parfois de finesse, permet à l’imagerie de se déployer totalement, à l’instar des pauses cafés que Bill s’accorde en gare avant de remonter dans le train en marche, sautant de wagon en wagon sur le toit du véhicule pour regagner sa locomotive. Ou encore d’une des dernières images, quand un pont s’écroule (et le train avec) sous la force d’une rivière en crue, scène de bravoure du film et, incidemment, la plus marquante, preuve d’un usage parfaitement maîtrisé de la miniature.

C’est du côté des rôles de femmes qu’il faut chercher le vrai côté novateur du film, et celui qui le rapproche le plus concrètement de l’esprit de l’ère Pré-Code. Si le personnage de Lily peut sembler prêter le flanc à une vision machiste du réalisateur (elle est bien, après tout, l’élément perturbateur et déclencheur de la catastrophe), il est aussi celui auquel Wellman s’attache le plus : quand finit Other Men’s Women, elle aura subi le plus grand nombre de dommages collatéraux, veuve soudaine qui n’aura ni la longue vie d’épouse qu’elle s’était choisie ni l’avantage d’une relation secondaire. Le personnage de Mary quant à lui, bien que secondaire, est finalement l’un des plus frappants du film. Serveuse de diner au langage châtié et au débit rapide, elle se définit auprès de l’un de ses clients comme une A.P.O, soit une Ain’t Puttin’ Out – grossièrement, une « n’écarte pas les jambes ». Face à la misogynie ambiante de l’époque (elle est l’amante occasionnelle et éconduite de Bill, privée d’un mariage qu’il lui avait pourtant promis), elle s’affirme puissamment, indémontable même confrontée aux allusions graveleuses des hommes qui fréquentent son restaurant. Elle aussi aime faire la fête, boire plus que de raison et danser au bal avec qui veut bien prendre la peine de la séduire. Et quand Bill, une dernière fois, prend le train en marche, la laissant plantée là, elle sait que plus jamais elle ne passera son temps à l’attendre.

Titre original : Other Men's Women

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Durée : 71 mn


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