Omar m’a tuer

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Appliqué mais peu audacieux, ce traitement de l’affaire Omar Raddad vaut surtout pour la performance des comédiens, Sami Bouajila en tête.

Roschdy Zem endosse le costume d’acteur depuis maintenant plus de vingt ans. De ses débuts dans J’embrasse pas de Téchiné (qu’il retrouvera à deux reprises) au récent polar de Fred Cavayé À bout portant, en passant par les films de Beauvois, Masson, Bouchareb ou bien Jolivet, il déploie son charisme et sa présence naturelle dans le paysage cinématographique français avec une belle régularité. En 2006, il décidait pour la première fois de passer derrière la caméra avec Mauvaise Foi, une comédie sentimentale sur la tolérance religieuse. Essai en partie raté il faut bien le dire. Pour son deuxième long, il s’empare donc d’un des évènements judiciaires les plus retentissants de ces trente dernières années. Tout le monde a en mémoire l’affaire de ce jardinier accusé du meurtre de sa patronne Ghislaine Marchal et de l’inscription en lettres de sang qui donne son titre au film. Condamné en 1994 à 18 ans de réclusion criminelle, Omar Raddad passera finalement sept ans derrière les barreaux avant d’être gracié par le Président Chirac, sans être pour autant innocenté par la justice.
 
 
 
Si Roschdy Zem revient sur le volet judiciaire de l’affaire, de l’arrestation d’Omar Raddad à son incarcération puis de l’enquête au procès, pour mettre en lumière les erreurs dans la procédure et les invraisemblances du dossier, il ne s’apesantit pas outre mesure sur une reconstitution technique des faits à la manière de Faites entrer l’accusé, préférant traiter cette histoire sous l’aspect humain. Et ce à travers un double regard : bien-sûr celui du principal protagoniste, broyé par la machine judiciaire et l’univers carcéral, mais aussi celui de l’écrivain Pierre-Emmanuel Vaugrenard (largement inspiré de l’académicien Jean-Marie Rouart). Persuadé de l’innocence du jardinier, ce dernier s’installe à Nice pour mener une contre-enquête et consacrer un livre à l’affaire. Ainsi, le film repose sur ces deux points de vue qui ne se croisent quasiment jamais, sur ces deux personnalités que tout oppose et pourtant réunies dans un même combat. Passant du drame vécu par Omar Raddad (de sa grève de la faim jusqu’à une tentative de suicide) aux recherches quotidiennes de l’écrivain-enquêteur (remarquablement interprété par Denis Podalydes, tout en nuances), ce va-et-vient permanent dans la narration et le ton adopté peut parfois surprendre mais participe activement à maintenir le rythme d’une intrigue aux ressorts pourtant bien connus.
 
Sans remettre en question l’engagement dont fait preuve Vaugrenard – même si le personnage ne porte pas le nom de Jean-Marie Rouart, car inspiré de plusieurs autres journalistes ayant enquêté sur l’affaire, le film s’appuie en partie sur l’ouvrage de l’écrivain, Omar, La construction d’un coupable – Roschdy Zem compose un personnage entier dans sa conviction mais s’amuse aussi de son apparente contradiction d’homme de droite, romancier bourgeois et directeur littéraire du Figaro. Dans ce qui se révèle être l’une des seules véritables subtilités du scénario, le réalisateur met en scène plusieurs situations décalées et volontairement amusantes (l’ironie des amis et collègues de Vaugrenard, son choix de s’installer dans un hôtel de luxe, les trajets à mobylette pour mener son enquête), marquant le souhait du réalisateur de ne pas plomber une histoire déjà suffisamment tragique. Ainsi, il évite autant que faire se peut la surenchère de pathos inhérente à ce sujet difficile. Il évoque aussi le controversé Jacques Vergès – dont on se demande d’ailleurs s’il n’a pas desservi son client – campé par l’excellent Maurice Bénichou. S’adressant à Vaugrenard pour aborder le cas d’Omar Raddad, l’avocat livre cette réplique cruellement cynique (mais très drôle, avouons-le) : "Ne vous inquiétez, je vais bien m’en occuper, c’est mon premier innocent…"
 
 
Roschdy Zem fait preuve d’une habileté certaine dans la direction d’acteurs et le film brille avant tout par sa distribution, reposant en bonne partie sur les épaules d’un Sami Bouajila absolument bluffant. Au delà de sa transformation physique convaincante, l’acteur incarne avec émotion et retenue cet homme qui clame désespérément son innocence et s’investit corps et âme dans ce qui est à ce jour son plus beau rôle. Mais si Omar m’a tuer s’avère assez prenant, le film pâtit cependant d’une mise en scène peu inventive, presque télévisuelle, tant et si bien que Roschdy Zem semble s’effacer derrière son sujet et ses acteurs. Sans doute par crainte d’empiéter sur le fond de l’affaire. Il y avait pourtant matière à montrer plus d’audace dans les partis pris formels, sans tomber dans la démonstration esthétique ni la spectacularisation déplacée.

Certes le film prend fait et cause pour Omar Raddad, certes il évoque en filigrane les préjugés sociaux et raciaux, la justice à deux vitesses et l’importance de l’apparence (on comprend bien à quel point le caractère introverti et les difficultés en français de Raddad ont joué en sa défaveur), mais il manque un point de vue plus affirmé sur les failles du système et sur la résonance de ce sujet. En passant à côté de sa portée actuelle, le réalisateur rate l’occasion d’inscrire son long-métrage dans un cadre plus ambitieux. À défaut de voir un grand film de société, le spectateur devra se contenter d’un thriller judiciaire sobre et franchement pas déplaisant.

Titre original : Omar m'a tuer

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Durée : 85 mn


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