Le parcours de Curtis Hanson n’a rien de la filmographie banale. En témoigne l’adaptation ambitieuse du LA Confidential de James Ellroy en 1997 qui aurait achevé de le placer en tête de la liste des cinéastes de valeur s’il ne s’était pas lancé dans l’ersatz de biographie douteuse qu’a été 8 Mile, commandé par un Eminem en manque perpétuel de reconnaissance. Sa récente et gentillette comédie avec Cameron Diaz et la trop rare Toni Collette témoigne, avec Lucky You, d’un virage ludique entamé avec plaisir, révélant un cinéaste bien moins torturé qu’il ne le laissait penser.
Dans les casinos de Las Vegas, Huck Cheever est un joueur de poker reconnu mais flambeur invétéré et guère prudent quand il s´agit de jouer son argent. Sa rencontre avec Billie Offer, une apprentie chanteuse et les froides retrouvailles avec son père pour le Tournoi International de Poker le mèneront peu à peu à laisser tomber ses préjugés pour changer de tactique.
A mesure que Curtis Hanson déroule son intrigue un brin laborieux car déjà-vu, on s’étonne de cette succession de poncifs, illustrant une intrigue classique d´où ne semble être mise en valeur que la revendication d´une absence totale d’ambition. Pas un manque, mais bien une absence. Lassé des projets qu’il aurait autrement pu mener, Curtis Hanson choisit pour Lucky You un univers codé et déjà rabâché (le monde du poker), un lieu emblématique et esthétique (Las Vegas), une romance à développer et un combat intérieur à mener, symbolisé par le patriarche Robert Duvall. Cet ensemble de données soigneusement codées témoigne d’un laisser-aller grandissant à mesure que le film se déroule, sur plus de deux heures de routine jamais reniées.
Les séquences de poker parsemant le film permettent de développer un côté convivial où les caractères des personnages se révèlent rapidement. Le scénario en vient même à proposer au spectateur perdu une sorte de tutorat, confirmant par là Eric Bana dans le rôle du beau garçon dragueur un brin torturé et donc forcément irrésistible. Les phases de jeu entre initiés devraient réjouir les fans de Patrick Bruel, les autres suivront le show avec un intérêt inégal suivant leur disposition à se laisser bercer par un film balisé du début à la fin.
Malgré quelques séquences déclenchant un sourire fugacement complice, le film n’évite pas l’écueil de la banalité, érigée en maître mot, regarde ses personnages s´affronter, s´aimer et instille une leçon de vie plus que passable sur la nécessité de vivre sa vie comme on joue au carte (ou l’inverse, la gentille philosophie émanant du film semblant s’accommoder des deux).
Curtis Hanson semble avoir pris plaisir à cultiver cette simplicité confondante, les raisons justifiant ce choix semblant refléter l´envie prépondérante de rester aussi jovial que possible en omettant tout les à-côtés négatifs que pourrait charrier l´histoire (le film aurait pu prendre une toute autre tournure avec un rendu plus réaliste de la ville du jeu). L´unique bonne surprise du film reste Drew Barymore, utilisée à bon escient dans la perspective de romance qui guide le film, et ce, malgré son personnage un peu trop caractérisé (l´intéressée lucide jouant avec les nerfs du héros).
En l’état, Lucky You est un film sympathiquement old school, jetant un regard mélancolique sur les amourettes ayant peuplé le paysage cinématographique des années 90, sans jamais chercher à faire innover de quelque façon que ce soit son intrigue, certes efficace, mais trop roublarde.