Dans ce dernier volet, Logan peut enfin parler crûment. Débarrassé de tous les discours sur sa prétendue bestialité qui saturaient, malgré leur pertinence, les deux précédents films (X-Men Origins : Wolverine, Gavin Hood, 2009 ; Wolverine : Le Combat de l’immortel, James Mangold, 2013), l’anti-super-héros fait étalage de toute la violence qui l’habite. Et, au cœur du chaos parmi lequel il vit depuis près de deux cents ans, maudit par son immortalité, se découvre une tendresse qui n’arrive pas à se dire, une compassion sincère pour des êtres aimés que la violence attachée à ses pas finit fatalement par frapper.Plus que jamais dans les productions super-héroïques, la mise en scène accepte la maturité. James Mangold réussit avec brio à donner à un blockbuster un air indépendant, au défi de la pudibonderie du genre. La caméra ne cherche plus à dissimuler la violence des personnages derrière des costumes ou des coupes dans les combats, mais expose, plein cadre, des corps lacérés, des membres déchirés, des têtes arrachées. Sans pour autant verser dans une vacuité adolescente du gore, comme Deadpool (Tim Miller, 2016) s’y est fourvoyé.
À la vie à l’avenir
Le personnage de Laura est emblématique du coup de force que représente Logan. Indépendante et farouche, alors qu’elle n’a qu’à peine dix ans, la mutante s’affranchit sans remords du cliché de la jeune fille qu’un homme viril, dont Wolverine est l’archétype, doit protéger. D’un revers de la main elle balaye le discours de bien-pensance dont souffre souvent la saga X-Men, pour n’en conserver que la fière revendication de vivre pleinement, quitte à en mourir.
Si Logan tourne en roue libre pendant plus de deux heures, format canonique des productions Marvel, c’est aussi parce qu’il se détache de toute référence à l’univers super-héroïque. Ou plutôt, celui-ci est l’objet d’un humour corrosif : la figure bienveillante et paternaliste du professeur Xavier (Patrick Stewart), à présent nonagénaire, s’enfonce dans des crises de sénilité qui déconstruisent son aura prophétique, en même temps qu’elles rendent le personnage plus humain. Il en va de même des comics X-Men que lisent les enfants mutants : jugés fantaisistes et puérils par Wolverine, ils sont relégués dans un passé mythologique duquel Logan se détourne.
Tourné vers l’avenir, aussi incertain soit-il, le film de James Mangold se déleste de toute nostalgie pour s’abandonner avec bonheur au road-movie et au western. Fuite en avant ou quête de soi-même, Logan explore, dans un mélange d’hédonisme et de sauvagerie, la jouissance excessive du présent. Et, dans ce présent continu, invente une morale du guerrier, tirée d’un vieux western que Laura découvre à la télévision avec Charles Xavier : « Tuer, c’est se mettre hors-la-vie ».
Alors autant vivre cette non-vie jusqu’à s’y détruire en beauté.