Un film beaucoup plus sympa que son titre ne le laisse entendre.
Après The Station Agent, Tom McCarthy persiste et signe dans le film simple et attachant qui ne mange pas de pain… ou devrions-nous dire des films simplement justes et bien sentis, pour contrecarrer à dessein la molle complaisance de notre introduction. Personnages anodins, losers sans éclat, hommes et femmes sans qualités, la sauce prend, envers et contre tout. Pourquoi ? Le genre cinématographique du « nous, les marginaux, les vrais gens, les gens moches et pas maquillés, on peut aussi être heureux loin d’Hollywood (toc !) » s’est considérablement démocratisé avec l’avènement du feel good movie, dont Shrek était probablement l’exemple animé le plus vulgaire, devenu au final un winner redondant et implacable du box office. A ce cas triomphant s’ajoutent aussi certains feel good winners (ou assimilés) de Sundance ou Deauville, beaucoup plus respectables. Nous pourrions en citer beaucoup tant le genre est en vogue. Entendons-nous bien, tous pouces en l’air, car c’est presque un ordre : feel good !
La recette est simple : une sympathique galerie de personnages hauts en couleurs, typés comme dans les meilleurs soaps comiques – dont l’éternelle gamine plus maligne que tout le monde et l’ado mal dans sa peau – se trouve soudainement plongée dans une situation bordélique. Jusque là, nous ne sommes pas dépaysés. Modeste avocat, Mike Flaherty (Paul Giamatti) souffre de stress : cela nuit considérablement à son travail. Il doit nourrir sa famille, mais la crise n’a pas arrangé ses affaires. Un jour, il trouve un moyen peu catholique de gagner facilement de l’argent. Il cède à la tentation… et ça lui revient en pleine poire, sous la forme d’un adolescent providentiel mais compliqué. Car Mike Flaherty est aussi entraîneur de lutte dans un club miteux qui aurait besoin d’un coup de pouce lui aussi…
« Où est papa ? – Il court… – Après quoi ? »
Peu à peu le charme opère. Les dialogues font souvent mouche, mais Tom McCarthy sait surtout exploiter le physique de ses personnages, à première vue banals, de telle sorte que le comique de geste les transcende littéralement, dans des directions parfois tout à fait inattendues. Comme si au lieu de bêtement émerveiller, le spectacle du papillon sortant de sa chrysalide, en plus, désopilait… Ado gringalet et décoloré, Kyle révèle des tatouages redoutables, alors que son copain, empêtré dans son trop grand corps, se découvre des dons d’Elastigirl, aussi flexible qu’un chewing-gum. Terry (excellent Bobby Cannavale en meilleur pote de Mike), lui, se contente de découvrir les joies de la Wii, passant brutalement du statut de cocu névrosé à celui de post-pubère attardé. Paradoxalement, le ridicule peut aussi forcer l’admiration, et les personnages sont d’autant plus drôles qu’ils se révèlent extraordinairement singuliers.
Ce curieux phénomène est probablement dû à la bienveillance d’un réalisateur absolument dégagé de toute condescendance, de tout déterminisme, misérabilisme ou sentimentalisme sirupeux. Tom McCarthy fabrique de véritables feel good movies dans la mesure où ses types qu’on croyait calibrés, ont finalement tous une double personnalité surprenante, ni victimes, ni bourreaux, ils ne mendient pas l’amour des spectateurs comme ils n’ont pas besoin de terminer victorieux. Les premiers seront les derniers : et alors ? Le titre, « Les Winners », est d’autant plus ironique que la victoire, en l’occurrence, tout le monde finit par s’en foutre impérialement. L’enjeu vital va bien au-delà de la simple revanche sociale ou amoureuse réclamée par l’habituelle rengaine cathartique du feel good movie. Les familles de losers décomplexés pourront aller voir le film l’esprit libre, sans qu’aucune performance athlétique ou professionnelle ne soit attendue de leur part à la sortie. Reposant !