Tout au long de sa carrière, Hitchcock a montré une certaine fascination pour les oiseaux, animaux souvent associés à langoisse, la peur et la mort : dans Jeune et innocent (1937), on découvre un cadavre échoué sur une plage survolée par des mouettes ; dans L’Auberge de la Jamaïque (1939), le cri des mouettes accompagne le couple en fuite dans la grotte ; dans Psychose (1960), Norman Bates, le tueur schizophrène, empaille des oiseaux. Pas étonnant donc que le cinéaste leur consacre un long métrage. Le public répondra présent, fasciné par cette histoire mêlant suspense, fantastique et même parfois horreur. Après Sueurs froides (1958), La Mort aux trousses (1959) et Psychose, Hitchcock nous livre une nouvelle fois avec Les Oiseaux (1963) un film majeur, qui ressort aujourd’hui en version restaurée.
Une jeune femme, Melanie Daniels, rencontre dans un magasin doiseaux un bel avocat. Probablement séduite, elle décide de lui amener chez lui les oiseaux quil cherchait. Elle se rend donc à Bodega Bay, un petit village tranquille. Mais plusieurs évènements sont troublants, au premier rang desquels lattaque quelle subit dune mouette. Que se passe-t-il donc du côté des oiseaux ?
Le premier tiers du film est une comédie plutôt menée sur le ton de la romance, plutôt légère et très éloignée de lambiance instaurée par la suite. Les Oiseaux, derrière ses nombreuses qualité au niveau du rythme, de lintrigue et de la gestion du suspense, peut surtout se comprendre comme une fable fantastique sur la fragilité de notre monde, le chaos étant prêt à surgir à tout moment. Devant le déchaînement déléments surnaturels qui échappent à notre raison, lespoir est mince, et la lutte pour la survie est entamée.
Il est vrai que tout au long de sa carrière, le cinéaste est devenu de plus en plus pessimiste. Lunivers dHitchcock est un lieu où lon doit toujours être en mesure daffronter un désastre imminent. Cest avec Les Oiseaux que le cinéaste nous offre sa méditation la plus achevée sur le chaos, la destruction suspendue au dessus de nos têtes comme une épée de Damoclès, tapie dans les charmantes petites villes, frappant indifféremment femmes et hommes, adultes et enfants.
La faillite de la raison et du raisonnement donne un relief fantastique au film. Le mystère plane sans quaucune explication rationnelle nen vienne à bout. La rationalisation des explications des différents personnages savère précaire, douteuse ou même pathétique, comme le montrent le fanatique religieux ivre qui proclame la fin du monde ou la femme hystérique qui accuse Melanie dêtre la sorcière maléfique responsable des évènements. Face à ce constat dincompréhension du monde, les protagonistes sont condamnés subir les attaques des volatiles et à agir pour leur seule survie. Les personnages sont quant à eux assez bien cernés. Melanie et Mitch sont personnes deux banales, Melanie étant même présentée comme quelque peu creuse et superficielle. Confrontés à des évènements quils ne comprennent et ninfluencent pas, leur pouvoir sur le monde seffrite davantage chaque jour, si bien quils perdent espoir et confiance en leurs moyens.
Notons pour finir que Hitchcock exploite brillamment les ressources du technicolor. En particulier, le rouge est utilisé pour mettre en place un certain climat troublant, signalant le danger, la violence et le sang : Les Oiseaux tire une grande partie de son pouvoir, celui de provoquer lexcitation et le trouble, de cette utilisation des rouges et du nombre extraordinaire de coupures.