Les Indestructibles 2

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On prend les mêmes, mais on ne recommence pas.

Quatorze ans en une seconde

Le temps semble comme suspendu. Quatorze ans ont passé depuis Les Indestructibles. Et pourtant, la séquence d’ouverture des Indestructibles 2 reprend exactement là où le premier volet s’arrêtait : lorsque le Démolisseur surgit de terre et que la famille Paar, enfin réunie, décide de faire front commun pour l’empêcher de mettre ses plans à exécution.

Néanmoins, malgré la continuité narrative extrêmement resserrée (à l’heure où les suites et les remakes marquent la différence temporelle avec l’œuvre originale), quatorze ans ont bel et bien passé. Et durant cette décennie et demie, l’univers super-héroïque a grandement changé : lancements des Marvel et DC Cinematic Universes, intégration des questions féministes et raciales, mise en cause du modèle super-héroïque… Toutes ces évolutions, Les Indestructibles 2 s’en fait le miroir, comme le premier volume se faisait celui du monde des comics.

Toute l’intelligence des Indestructibles 2 repose dans l’illusion narrative d’une parfaite continuité entre les deux films alors que le monde a changé du tout au tout. On prend les mêmes, mais on ne recommence pas. C’est à cela que l’on reconnaît une bonne suite : lorsqu’elle s’affranchit de l’original pour s’aventurer dans de nouvelles problématiques.


Être père ou super, telle est la question

Et parmi celles-ci, il y en a une qui occupe le devant de la scène : le féminisme. Sous un angle bien particulier : peut-on être super-héroïne et mère au foyer ? Les Indestructibles 2 détonne parmi les super-productions héroïques actuelles : alors que bon nombre d’entre elles assignent un rôle d’adjuvant aux personnages féminins (Black Widow ou la Sorcière Rouge dans Avengers : Infinity War) ou, lorsqu’elles occupent le rôle-titre, les réduisent à un fantasme érotique (Wonder Woman, Patty Jenkins, 2017), c’est Elastigirl, alias Helen Paar, qui monopolise l’action super dans Les Indestructibles 2. Au grand dam de son époux, ex-Mr Indestructible, qui aurait bien aimé, dans une scène pleine de satire et de sous-entendus mordants, que ce soit lui, « parce que vous savez bien » dit-il à Winston, le chef d’entreprise fana des supers, parce qu’il est le chef de famille, qui fasse le show devant les caméras.

Et voilà une situation des plus drôles, féconde en gags en tous genres : pendant qu’Elastigirl sauve le monde, Bob Paar bataille pour que la maisonnée tourne convenablement. Un nouveau champ de bataille s’ouvre à lui : endormir l’inépuisable bébé Jack-Jack, dont les pouvoirs naissants se révèlent incontrôlables (et d’un génial burlesque) ; aider Flèche à résoudre ses problèmes de maths, alors qu’« ils changent les maths » ; consoler Violette dont le rencard amoureux se passe mal ; ne pas se tromper en achetant les petites piles, etc… Bref, « être un bon père », comme il l’avoue lui-même après trois jours sans dormir. Au lieu de défaire des ennemis à tout va, Bob apprend l’art difficile de la charge mentale, habituellement dévolue à l’épouse – et s’en tire agréablement bien. Le patriarcat a bien changé au fil des années.

On pourrait encore longuement s’étendre sur les gags innombrables, tous plus brillants les uns que les autres ; sur la parfaite caractérisation des personnages, dont on explore avec minutie les problèmes quotidiens qu’engendrent des super-pouvoirs ; ou encore sur les scènes d’action savamment orchestrées. Mais mieux vaut aller s’en faire soi-même une idée, et s’émerveiller de voir à quel point Brad Bird et Pixar ont su avec une grande finesse distiller des analyses des mutations sociales contemporaines dans une œuvre destinée au jeune public.

Titre original : The Incredibles 2

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Durée : 118 mn


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