Tour à tour accaparé par Ron puis Reg, et par Reg puis Ron, Legend a le scénario entre deux chaises et cette dualité sur laquelle le réalisateur fait tout reposer participe à tout faire planter. Comme Reg, le film est propre sur lui et bien sous tout rapport, la preuve en est de ce East London toiletté qui n’a rien du ghetto décrit et décrié par les personnages. Mais comme Ronnie, il assume à quelques reprises son côté grand-guignol de série B, si bien que le film ne cesse de balancer d’un côté puis de l’autre sans jamais trouver un ton qui lui serait propre au point de devenir ennuyeux puisque dénué de personnalité. On connaît par cœur le déroulé du film de gangster : ascension, gloire, chute (et parfois rédemption), la route est toute tracée mais Helgeland semble vouloir encore la baliser et la goudronner. Rares y sont les herbes filles et les nids de poules ; et épisodiques, de fait, les sorties de route permises par le personnage de Ron. Entouré de ses mignons, obéissant à ses envies et ses pulsions et toujours en décalage avec le monde qui l’entoure, si son interprétation par Tom Hardy est parfois proche du jeu en roue libre, il a au moins le mérite d’apporter une touche d’originalité et de bizarrerie à un film qui en manque cruellement. Et qui n’est en réalité qu’à moitié un film de gangster tant il y a une vraie tromperie sur la marchandise.
En effet, Legend se mue rapidement en une romance entre Frances et Reginald Kray, ponctuée de sentences aussi définitives et inspirées que « il a fallu beaucoup d’amour pour que je le déteste autant aujourd’hui » débitées en voix-off par la jeune femme de la première à la dernière image. Et dans la famille des voix-off agaçantes, Legend opte pour la redondante, celle qui décrit les personnages, présente tous les tenants et les aboutissants de l’histoire, et nous prend pour des abrutis. « Il était triste » dit-elle, « je suis triste », confirme le personnage », « je crois que j’ai bien compris » pense le spectateur… « On ne sait jamais » intervient alors la bande-originale qui fait notamment entendre Whitechapel pour la scène du mariage. L’image est doublement paraphrasée par la voix off puis la musique au point que le film raconte trois fois une seule et même chose. Nous épargnant heureusement la biographie chronologique, Brian Helgeland, pourtant scénariste de L.A Confidential (Curtis Hanson, 1997) et Mystic River (Clint Eastwood, 2003), ne parvient pas à capter notre attention faute à un traitement trop fade pour un tel sujet.