Si le prétexte de base est réaliste, le traitement est tout sauf documentaire. Avec son dix-neuvième long métrage, Ermanno Olmi (pas le plus populaire des réalisateurs italiens, mais tout de même palme d’or en 1978 pour L’Arbre aux sabots) tend au symbole. La situation semble générique, mais pourrait se situer sur d’autres rives que celles de l’Italie. Les différents personnages valent moins en tant qu’individus que comme archétypes. Chacun des réfugiés incarne alors une position humaine en situation de crise, de la main aidante à l’apprentie terroriste. Le vieux prêtre est lui la personnification du christianisme originel. Redoublant son rôle tenu dans Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois, 2010), Michael Lonsdale peaufine une nouvelle fois ce personnage d’homme en bout de course, détruit par un dernier coup. L’arrivée dans son église des clandestins va lui offrir un dernier combat et retrouver l’utilité de son rôle.
C’est toute la force du film que d’inverser les positions. C’est – et presque ironiquement – quand elle est déchue de sa fonction que l’église retrouve sa destinée première d’accueil des plus humbles. Le lieu se transforme alors en camp fait de cabanes de carton. De même, en exerçant ses fonctions, le vieux prêtre se retrouve hors-la-loi, à l’image des premiers chrétiens officiant dans la clandestinité. Une loi qui n’est pas épargnée par le film. Les scènes se déroulant essentiellement de nuit, les réfugiés baignent dans un climat d’angoisse, l’église s’illuminant brièvement des lueurs bleues des sirènes de police à travers les vitraux. La descente de police a d’ailleurs tout d’une rafle. Le Village de carton compte un peu trop sur sa dimension symbolique alors qu’il n’exploite celle-ci que de manière succincte. Il manque un peu de substance alors qu’il tient souvent des idées d’une grande finesse. A trop mettre à distance l’individu pour offrir une allégorie plus universelle, il manque d’une véritable ampleur pour être réellement touchant.