Le vieil homme et l’enfant

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Le vieil homme et l’enfant à l’ère du soupçon de pédophilie généralisé…

Deux univers se rencontrent

Malgré son titre qui reprend celui – très célèbre – de Claude Berri, ce premier long-métrage de l’Islandaise Ninna Pálmadóttir attire l’attention par son étude précise et empathique d’une nouvelle relation entre un homme âgé et un petit garçon à l’ère du soupçon de pédophilie généralisé. Lorsque Rúnar Rúnarsson, le réalisateur entre autres du court-métrage Sparrows, termine l’écriture du scénario d’un long-métrage qu’il ne veut pas tourner lui-même, il vient de découvrir le court-métrage Paperboy de Ninna Pálmadóttir. Il demande alors à sa productrice de se mettre en relation avec elle pour qu’elle le réalise. Ninna Pálmadóttir est très touchée dans la mesure où elle se retrouve dans l’univers du réalisateur ainsi qu’elle le confie dans le dossier de presse du film : « Paperboy suivait aussi un jeune livreur de journaux ! Le personnage de Rúnar était différent bien sûr mais ses deux protagonistes avaient tous les deux cette empathie et cette curiosité du monde et des gens qui les entourent. Nos histoires partageaient la même sensibilité je crois. D’ailleurs, dans un autre court métrage, All Dogs die, j’avais mis en scène une personne âgée solitaire à la campagne. » C’est en effet étrange que ces deux univers se rencontrent mais Rúnar Rúnarsson laissera cependant carte blanche à la réalisatrice pour qu’elle tire à soi ce scénario dont elle fera une histoire à la fois touchante et profonde.

Aucun lien de parenté

Gunnar, un vieil agriculteur, est exproprié de sa ferme car elle doit être inondée en raison de la création d’un lac artificiel. Il laisse tout derrière lui, même son ami cheval, et part s’installer en ville où il va se lier d’affection avec un livreur de journaux de dix ans, quelque peu délaissé par ses parents. Cette rencontre bouleversera à jamais leurs vies et ce, pour diverses raisons. Dans le film de 1967 de Claude Berri, légèrement autobiographique, l’enfant est juif, se prénomme Claude et, pour échapper à la Gestapo, il est placé dans une famille près de Grenoble, où il fera la connaissance de Pépé très antisémite, interprété par Michel Simon, qui réapprendra la bonté et la douceur grâce à ce petit enfant dont il ignore la judéité. Il s’agit d’une narration un peu semblable dans le film de Ninna Pálmadóttir, non parce que l’homme âgé doit réapprendre la douceur parce qu’il est naturellement bon, mais parce que le film raconte une situation qui n’est pas aisée à vivre, ni à mettre en scène : la rencontre entre deux personnes d’âges différents et qui ne sont liées par aucun lien de parenté. « Le film est un récit d’apprentissage pour les deux protagonistes : Ari, dont les parents sont séparés et qui doit mûrir très vite ; Gunnar, qui repart à zéro, car il doit réapprendre à vivre après avoir quitté la ferme familiale, déclare la réalisatrice. » On peut dire en effet que les deux personnages que tout oppose (l’âge, la situation familiale, le niveau social, etc.) se complètent parfaitement. L’un apprend de l’autre, et vice-versa notamment en matière de musique, du jeu d’échecs, du langage. Cet équilibre aurait pu se poursuivre sans la suspicion des parents lorsque Gunnar, un soir qu’Ari est arrivé tout trempé à cause de la pluie, l’a aidé à se changer pour ne pas qu’il s’enrhume. 

Caméra à l’épaule

Ninna Pálmadóttir qui a travaillé aux USA avec de grands studios et, au Danemark, avec l’équipe d’Oblivon et de Game of Thrones, nous livre pourtant ici un film sans effets spéciaux, utilisant la caméra à l’épaule pour éviter la monotonie des plans d’intérieur où il ne se passe presque rien, et la lumière de Dušan Husár. Et, bien sûr, le talent de l’acteur de théâtre, Þhröstur Leó Gunnarsson dans le rôle du vieil homme, et du petit Hermann Samúelsson dans le rôle d’Ari à qui elle a demandé d’être le plus naturel possible. Et c’est réussi.

Titre original : Solitude

Réalisateur :

Acteurs : ,

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Durée : 75 mn


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