Le Pacha s’ouvre avec un des nombreux hits composés par Gainsbourg pour le Cinéma, son Requiem pour un con. Prise de risque et choix étonnant du producteur, Alain Poiré, pour un film qui sera interdit aux moins de 18 ans dans les salles françaises deux mois avant les « événements ». Ce tempo sec et saccadé rythmera tout le film jusqu’à épuisement de la bobine et du spectateur. Gainsbourg sera même présent durant une scène d’enregistrement du titre en studio, où l’inspecteur Gabin mène l’enquête. Clin d’oeil au grand Serge ou clause de contrat, la scène a plus de la parenthèse lourde que du clin d’œil frais et amusant. Malgré la linéarité de son scénario noir, de cette enquête au naturalisme gris et glacial, le principal problème du film de Lautner vient de l’abus de ces parenthèses, de ces scènes « vignettes » ; le récit ne semblant être qu’une succession de saynètes, parfois jouissives, souvent ennuyeuses et toujours très peu concernées par la narration.
Ouverture du film, Gabin au dessus d’une tombe ouverte, monologue sur sa vie. Son pote au fond du trou, les bonnes femmes… Le ton est donné dès le premier plan : loin du potache des Tontons flingueurs, Le pacha, bien que caricatural, se veut un film sérieux. Il y arrive durant les premières minutes. Histoire de casse, ripoux, vieil inspecteur bourru fatigué par la vie, tout est là. L’indigence de la mise en scène et du montage étant même à plusieurs reprises réveillée par quelques fulgurances de plans, comme ces très beaux cadres d’attente avant le braquage des premières minutes. C’est d’ailleurs uniquement durant cette scène que le tempo de Gainsbourg trouve une réelle cohérence avec le film, le rythmant même à la manière d’un clip, avec un montage rapide très vivant.
Attaché à Audiard, Lautner est le réalisateur de la direction d’acteur, du dialogue, de l’immobilité. Quand tout s’accélère, il donne clairement l’impression de se prendre les pieds dans le tapis. Ledit braquage qui lance l’intrigue en est le parfait exemple. Si l’attente, la solennité des corps vit puissamment dans le cadre, dès que le mouvement entre dans le plan (voitures, fusillade, explosion), Launter perd ses spectateurs. C’est ce caractère bicéphale qui rend Le pacha bancal. Héros d’un jeu de piste rébarbatif, Gabin, cabotin et omniprésent, va mener l’enquête d’un point A à un point B, d’un point B à C et ainsi de suite. Audiard grossit forcement les traits et chaque scène de dialogue est autant d’occasions pour Gabin de briller (« J’pense que quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner… »). Malheureusement, entre deux scènes au lyrisme débridé, c’est très souvent le désert, comme si Lautner n’osait pas filmer un homme autrement que figé dans l’espace. C’est d’autant plus rageant que la seule scène où les corps s’entrechoquent en même temps que les répliques fusent, est sans conteste la plus réussie de tout le film. Une descente de police jouissive où les baffes claquent autant que les mots. Je suis réveillé quelques minutes par ces ripoux violents au verbe haut, jusqu’à ce que l’intrigue poussive reprenne son rythme de croisière cotonneux. Gabin prend un taxi, se fait conduire par un collègue jusqu’à sa prochaine étape. Comme un pacha… L’ennui n’est pas loin.