Le Molière imaginaire

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Les dernières heures du grand Molière.

Après Mnouchkine, une vision étonnante

Quarante-cinq ans après le flamboyant Molière d’Ariane Mnouchkine, Olivier Py, homme de théâtre lui aussi, s’attaque à son tour au personnage emblématique de la scène française. Alors qu’Ariane Mnouchkine, avec des tableaux d’une beauté à  couper le souffle et un acteur – Philippe Caubère – incroyable, s’était employée quatre heures vingt durant à retracer la vie du comédien, Olivier Py tente – et réussit – à faire revivre presque en direct par de magnifiques plans séquences les deux dernières heures de sa vie alors qu’il interprète pour la énième fois Le maladie imaginaire dans son théâtre du Palais-Royal, disparu en 1781 pour laisser place à sa fameuse Comédie française. 

Pas si imaginaire que ça

Molière est un malade pas si imaginaire que ça. Une toux épouvantable l’épuise et il crache le sang. Le théâtre, comme c’était le cas à l’époque, était un lieu de passage où les gens baguenaudaient, baisaient parfois, parlaient et n’écoutaient que fort rarement ce que les comédiens avaient à leur dire. Il faudra attendre le sage et bourgeois XIXe siècle pour que le théâtre devienne le lieu de recueillement que l’on connaît encore de nos jours. Les autres comédiens, Armande sa jeune épouse, fille de Madeleine, tous tentent de le dissuader de jouer ce soir-là mais il n’en fait rien. C’est deux heures de souffrances et d’essoufflement qu’Olivier Py nous donne à voir grâce au talent de Laurent Lafitte de ladite Comédie française entouré d’une pléiade d’excellents comédiens parmi lesquels on reconnaît au passage une Jeanne Balibar dans un flash-back – ou une apparition, on ne le saura pas – incarnant une ardente Madeleine Béjart, mais aussi Jean-Daniel Barbin, Pierre-André Weitz, et le trio – Dominique Frot, Judith Magre et Catherine Lachens – incarnant à la perfection trois marquises dignes du tableau Que tal ? de Goya. On y trouve aussi Stacy Martin, émule de Lars von Trier, et, bien sûr, Bertrand de Roffignac dans le rôle de Michel Baron, le jeune et adulé comédien, dernier amour de Molière, à qui Olivier Py a demandé d’écrire le scénario avec lui. « J’ai lu tout ce que je pouvais lire, déclare Olivier Py dans le dossier de presse. Ce qui n’est d’ailleurs pas énorme. Puis j’ai contacté Christian Biet, un homme pour lequel j’avais une grande admiration et qui est mort peu de temps après avoir travaillé avec nous sur le scénario. Je souhaitais qu’il fasse une relecture historique du premier jet. Un Molière imaginaire certes mais imaginable aussi. Il n’était pas question d’écrire n’importe quoi. Il a corrigé un peu de syntaxe, l’emploi de certains lexiques. Nous avons aussi beaucoup parlé de ce qu’était le théâtre du Palais-Royal dont nous ne savons pratiquement rien. Aucune gravure. Ce que l’on en connaît n’existe que par association avec d’autres théâtres de l’époque. Une fois la première version du scénario écrite, j’ai appelé Bertrand de Roffignac qui joue Baron pour que nous puissions ensemble lire et relire, assouplir la langue et inventer des outils scénaristiques qui allaient permettre le plan séquence. »

Une belle réussite

C’est indéniablement une réussite, même si le metteur en scène ne résiste pas aux sirènes destructrices et solistes de son temps, nous présentant un Molière bisexuel, une cour – celle de Monsieur, frère du roi, et il vrai entouré de multiples et ravissants gitons -, des traitres à foison, une solitude épouvantable et le spectre de la mort dans un tableau final digne de… Molière, avec des hommes nus et des squelettes dansants. Il y a peu d’écrits sur la vie de Molière. Sa liaison avec la coqueluche des acteurs de l’époque est supposée, mais non impossible, et l’ambiance du théâtre à l’époque est bien rendue, de même que la fin de vie misérable du comédien de génie enterré à la va-vite, non pas comme un chien, mais en présence d’un chien qui aboie à la caméra et qui donne du sens au film, même si cette séquence n’était pas voulue ainsi, comme Olivier Py le raconte au dossier de presse du film. 

Pari réussi

Un peu comme chez Mnouchkine, tout le monde met la main à la pâte et on retrouve des acteurs ou leur frère à la technique. Ainsi, Luc Pagès est à l’image, François Waledisch, Thomas Desjonquière, Julien Gerber et Martial de Roffignac au son, Lise Beaulieu au montage et Pierre-André Weitz aux décors. Pour un film qui fait le pari – réussi – de donner une image à la fois réaliste et impressionniste des derniers moments du grand Jean-Baptiste Poquelin au moment où le roi semble lui préférer l’autre Jean-Baptiste, Lully !

 

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Durée : 95 mn


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