Le Gaucher (The Left Handed Gun)

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Arthur Penn derrière la caméra, c´est rare de revoir cela. Le Gaucher, son premier film, reste un western ébouriffant qui décoiffe le cliché du teenage movie ! A revoir à l’Action Ecole pendant 5 semaines à partir du 30 avril.

Paul Newman est faussement tendre dans ce film fiévreux. Il est âgé de 33 ans lorsqu’il tourne sous la direction d’Arthur Penn, un illustre inconnu qui provient de la télévision. Penn dorlote Newman, lui fait prendre une nouvelle et belle direction, celle de l’envie. Alors, nos deux compères vont sabrer et dynamiter les codes afin de mieux valoriser leur propos. Newman convainc car sa représentation de la jeunesse du début des années 60 est impressionnante, ancrée dans un réalisme conséquent. Penn balance quelques réflexions psychanalytiques dans un genre qui fut constamment réfractaire à cette méthode de travail. Le Gaucher deviendra une référence, aussi importante que les films avec James Dean, et renversera la tangente.

Quoi de plus génial de vouloir filmer la vie de Billy the Kid en 1958 ? De l’autre côté de l’Atlantique, c’est la jeunesse qui prend progressivement le pouvoir dans le cinéma français, elle a pour nom La Nouvelle vague. Aux Etats-Unis, des p’tits jeunes tels qu’Elvis Presley, Chuck Berry ou bien Jerry Lee Lewis vont caresser les jambes des lycéennes endiablées. Et quelque part en Angleterre, ce seront les Beatles et autres Stones qui claqueront les joues roses des pucelles emmitouflées. Arthur Penn, fort de ce postulat, à toutes les cartes en mains pour façonner son personnage et le rendre totalement polyvalent. Quiconque n’a pas dépassé la vingtaine comprendra et adhérera aux états d’âmes de son personnage troublant.

Le filmage reste classique. Peu de gros plans, très peu de travellings, juste une caméra qui oublie d’aller de l’avant. Penn a le sens du montage, il cisèle ses séquences, les adoube d’une très belle musicalité qui installe la dramaturgie de ce héros complexe. Une forme de lenteur japonaise (Penn s’est inspiré de Kurosawa et de Mizoguchi) embellit ce film, lui donnant un relief savamment pensé. Rares sont les instants de doute, bien au contraire, on frémit pour la dualité des caractères. Penn, conscient de la futilité de l’intrigue, développe la raison de ce gaucher au grand cœur et retire toutes les explications balourdes pour ne garder que la poésie, cette belle définition du temps qui passe.

Titre original : The Left Handed Gun

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Durée : 100 mn


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