Le député. Sortie combo Blu-ray/DVD chez Artus Films.

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Un constat politique froid et cinglant dans un gant de velours.

Après la tierce Quinqui (Colegas et El Pico 1 et 2 ), Artus films continue d’explorer l’œuvre de ce cinéaste ibérique encore trop méconnu et par conséquent sous-estimé de notre côté des Pyrénées qu’est Eloy de La Iglesia. Évidemment politique, éminemment transgressif, le programme de ce Député porte indéniablement l’empreinte de son auteur, pour qui le sexe et les paradigmes socio-économiques sont étroitement liés par la force des événements. Le député en question, c’est Roberto Orbea (José Sacristán), ancien révolutionnaire que les rêves de démocratie ont quelque peu assagi, homosexuel qu’une femme amoureuse a provisoirement « replacé » dans la « norme ». Durant un bref séjour en prison, sa rencontre avec un jeune prostitué, Nes, va réveiller ses désirs les plus profonds. Il va vivre alors dans la crainte d’être victime d’une révélation publique. .

Tourné juste après la fin officielle du régime de Franco – en 1977 venaient d’avoir lieu les premières élections libres en Espagne -,  transpire du récit l’atmosphère étrange et flottante de cette période de transition démocratique. Au lieu d’être porté par son succès aux élections, Orbea semble tétanisé. Comme sonné par une déflagration qui le dépasse, il apparait le plus souvent désemparé, cherchant des réponses dans le regard de ses proches, et souvent dans le nôtre – la scène inaugurale dans la voiture nous arrimant pour cela à ses côtés. Plongé dans des situations à la lisière du surréalisme. Prenant tantôt l’apparence de  cauchemars : entre les interrogatoires et les procès dont il fût victime dans sa prime jeunesse et ceux qu’il imagine comme inéluctables dans un futur proche. Se nimbant tantôt de  la suavité et de la moiteur des rêves érotiques. Phantasmes éveillés ou réalité ?  Quid de la teneur des premiers rapports homosexuels dans les locaux d’une prison étrangement propices à la douceur, ou du triolisme avec son jeune amant (Juanito) et son épouse ? L’ombre de Buñuel plane aussi bien dans la porosité entre le réel, le possible, et le fantasmé, que dans le prisme de la parabole politique- la sphère privée comme antichambre des enjeux, ici le charme discret de la néo-bourgeoisie. Prête à se confronter à « la réalité  » du quotidien du Peuple, quitte à s’encanailler, en guise de profession de foi, Orbea clamera : « La meilleure façon d’écrire l’histoire, c’est de l’endurer ».

La prostitution des mineurs, la drogue qui coule à flots dans les soirées interlopes qui émoustillent des hommes murs et bien assis socialement, envers peu reluisant d’une Espagne qui feint par ailleurs de lutter contre toutes les formes de corruption ;  ce topos qu’ Eloy de La Iglesia développera à l’envie dans son volet Quinqui, se manipule ici avec plus de pincettes.  On est loin de l’expression crue et réaliste des ravages physiologiques et psychiques,  à l’exception de quelques Figures antipathiques du Pouvoir, les corps et les visages s’illustrent par leur beauté quasi pure. Au même titre, l’affection  sincère qui se développe entre  Juanito et Orbea, la solide union de ce dernier avec sa tendre  épouse, Carmen, ne ferment pas la porte à des lendemains moins sombres. En 1978, nous ne sommes qu’au début des premiers signes des craquements des différentes formes de vernis, avant d’être confrontés quelques années plus tard à des constats sans appel. Ainsi,  Le député ne doit pas se lire comme un manifeste édulcoré ou optimiste, mais se vivre comme l’ écho troublant d’une époque charnière de l’Histoire récente de l’Espagne.

Sortie combo Blu-ray/DVD chez Artus Films en ce mois de mai.

 

 

Titre original : El diputado

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Durée : 110 mn


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