La Rose de la mer (sortie combo blu-ray/dvd chez Pathé le 26/06).

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Enfer sur mer

Jérôme possède un bateau, La Rose de la Mer, avec son truand d’oncle. Ils naviguent avec une bande de forbans engagés par l’oncle pour saborder le navire et toucher la prime d’assurance. Mais Jérôme n’est pas de cet avis et s’oppose au reste de l’équipage. Son opposition se décuplera lorsque, sur le point d’intervenir, il découvre à bord une passagère clandestine qui vient d’accoucher et meurt en lui confiant son enfant.

Jacques de Baroncelli (1881-1951) fait d’abord carrière dans le journalisme avant d’aborder le cinéma en 1915. Il fonde alors sa propre société de production, Lumina Films, et tourne sa première bande, la Maison de l’espion. Beaucoup d’autres suivront, dont le Roi de la mer (1917), salué par Delluc et Colette. Après un passage au célèbre Film d’Art (1918-1922), un voyage d’étude aux États-Unis (1919) et un séjour créatif en Belgique (1922), Jacques de Baroncelli est en pleine possession de ses moyens artistiques. C’est alors qu’il va signer ses chefs-d’œuvre : Nêne, d’après Pérochon (1923), La Légende de sœur Beatrix (1923), et Pêcheur d’Islande, d’après Pierre Loti (1924) qui l’ancrent dans le courant naturaliste français des années 1920. Amoureux des belles lettres, il restera durant toute sa carrière fidèle aux adaptations littéraires (de Balzac à Pierre Louÿs) et aux drames de la mer (Veille d’armes, Nitchevo, Feu !), mais fera preuve d’un grand éclectisme, passant du mélodrame au drame bourgeois, de l’œuvre patriotique à la comédie musicale, du film colonial à la comédie policière. Avec l’Arlésienne (1930), puis l’admirable Le Rêve (1931), Baroncelli fait une entrée remarquée dans l’ère du cinéma parlant. Mais c’est durant l’Occupation qu’il obtiendra son plus grand succès populaire avec une adaptation de la Duchesse de Langeais (1942), confiée à Jean Giraudoux. Ses dernières années seront marquées par deux classiques de la littérature populaire : les Mystères de Paris (1943) d’après Eugène Sue, et Rocambole (1947) d’après Ponson du Terrail, son dernier film.

Roman publié en 1939, La Rose de la mer est adapté par son auteur, Paul Vialar, avec le concours de Marc-Gilbert Sauvajon, scénariste et futur réalisateur du Bal Cupidon (1949). Le film conserve la majorité du contenu romanesque, tout en s’en démarquant par la marque de Baroncelli : scènes en plans rapprochés, lieux confinés, cabines du bateau à l’atmosphère oppressante, éclairages quasi-expressionnistes, personnages suintant de veulerie et d’âpreté au gain, vêtements ayant rencontré de meilleures journées, intérieurs fréquemment nocturnes (même les bistrots sont des lieux exigus où bagarres, mauvais coups et humanité variables coexistent). Baroncelli, par son art de metteur en scène et en situations, alterne moments de tensions dans l’équipage de « pirates » (Jérôme dixit), et instants de grâce (un accouchement sur le navire). Seuls quelques extérieurs diurnes aèrent les personnages comme la narration de ce film, avec des moments lumineux sur les quais et les rues adjacentes. Bénéficiant d’une excellente photographie, surtout pour les scènes nocturnes conférant à La Rose de mer des allures de film noir, les personnages jouissent d’une interprétation de haute volée, soutenue au premier plan par un Fernand Ledoux vil à souhait, d’un Roger Pigaut digne jusqu’au bout du voyage humain et maritime, mais également d’un équipage où des seconds rôles tels que Noël Roquevert (mutique, avec des cartes à la main pour connaître instantanément l’avenir), Palau, Georges Lannes, ou René Génin (formidable d’empathie), actualisent la narration et les péripéties de ce que nous pouvons finalement considérer comme un huis-clos. Denise Bosc apporte sa touche sensible à ce long-métrage évitant les écueils du mélo facile et hyperbolique.

Drame de la mer, quasi huis clos sur l’humanité dans ses extrêmes, La Rose de la mer fait partie de ces fascinantes redécouvertes d’un cinéaste à l’aise dans tous les styles et sur tous les éléments.  Une belle odyssée dans le cinéma de patrimoine.

 

La Rose de la mer (1946) de Jacques de Baroncelli.Pathé – 26 juin 2024

Contenu et Bonus

Éditon limitée
Boîtier avec fourreau
Contient :

  • le Blu-ray du film (85’)
  • le DVD du film (81’)
Entretiens autour du film

« Jacques de Baroncelli, un nom oublié » de Cécile Dubost (2024, 7’15”)
« La Rose de la mer : Entre roman et adaptation, de la nuance » de Cécile Dubost (2024, 22’03”).

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Durée : 85 mn


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