La Régate

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Violence des échanges en milieu familial. Louable, mais approximatif, un film qui tire trop sur la corde sensible et ne traite pas véritablement son sujet…

Le rôle du critique est parfois ingrat. Il oblige aussi très souvent à se remettre en question. Quelle attitude adopter face à un film qui reçoit un excellent accueil de la part du public et qui pourtant ne nous paraît vraiment enthousiasmant ? Il faut à la fois essayer de comprendre l’engouement suscité, mais aussi parvenir à mettre en avant ce qui fait que manifestement ce film ne mérite pas un tel engouement. C’est ce qui se passe avec cette Régate, premier film du belge Bernard Bellefroid, dont les premiers contacts avec le public sont forts positifs : prix du public aux festivals de Namur et d’Angers, grande émotion suscitée lors des avant-premières… Pourtant, rien que de très convenu dans ce film qui ne dépasse que de peu le slogan : « la violence, si tu te tais, elle te tue. »
 
Le film ne va guère plus loin que ce pitch. Un fils et son père emménagent dans un appartement. Petit, l’appartement. Apparemment, il y a eu une crise peu auparavant. Le fils fait de l’aviron, à haut niveau. Mais voilà, le père est violent et bat son fils. Tout le principe du film est donc basé sur l’opposition entre le foyer et le club de sport. Tout ce que le premier devrait contenir d’amour, de stabilité, d’encouragement et de confiance est transféré dans le second. Alors que l’appartement cristallise la violence paternelle, le club de sport devient le lieu dans lequel s’établissent des règles de conduites sociales (être à l’heure, respecter l’autre, justifier son absence…) et des relations saines d’amitié et éventuellement un substitut de père. Toutes ces scènes sont déjà connues et l’enjeu du film repose sur ce fil que l’on tend, que l’on tend jusqu’à ce qu’il craque. Ce fil, c’est Alex, adolescent battu par son père, qui devra recouvrir la parole pour s’en sortir. Tout s’organise autour de ce retour programmé de la parole chez le jeune homme.
 
Cela prend une heure trente. Une heure trente de scènes déjà vues. Une heure trente à attendre une issue que l’on connaît par avance. Non que cette heure trente paraisse longue. Non que ce film soit véritablement mauvais. Mais tout est si bien calibré : la violence pudique (donc hors champ, le plus souvent), les sentiments ambivalents ("je te déteste, mais je t’aime" ou  "je ne sais pas t’aimer " selon les personnages), le poids du contexte social, l’effacement volontaire du réalisateur derrière son sujet… On sent l’empathie énorme de Bellefroid avec son sujet (le film est en partie autobiographique), mais il n’y a là qu’un scénario vaguement illustré. Parfois mal illustré d’ailleurs : l’insupportable musique pop-rock bas de gamme, des séquences ampoulées (l’énervement du bras dans le plâtre, la culpabilité de l’entraîneur…).


 
On comprend l’engouement. Cette histoire est évidemment touchante. Mais Bellefroid se repose entièrement sur cette immédiateté narrative. Le sujet n’est pas traité. Voilà le plus grand problème de ce film. On reste parfaitement à la surface des choses alors qu’on sent une réelle complexité qui se trame derrière. La violence familiale, surtout son versant psychologique, est une thématique extrêmement présente au cinéma ces dernières années. Entre autres, Honoré (Non ma fille, tu n’iras pas danser, 2009), Desplechin (Un Conte de Noël, 2008), Lafosse (Nue Propriété, 2006) ou encore Coppola ont su véritablement pénétrer au cœur des échanges et pleinement nous toucher, nous bouleverser parfois (Tetro, 2009). Quel que soit l’attachement personnel du réalisateur à son thème, son film est bien trop lisse. Il n’a pas de valeur autre qu’informative. Il est le symbole de son époque aussi, dans laquelle le témoignage, soi-disant, brut reçoit une valeur supérieure à sa mise en perspective et son analyse, jusqu’à faire disparaître cette dernière. On s’éloigne peut-être un peu, encore que… La Régate est un plaidoyer pour les victimes, ceux qui les font souffrir, le réalisateur, son équipe… Tout plein de belles intentions qui peuvent rendre suspectes la moindre critique. Un film qui, de par son sujet, serait incritiquable ? Non. Un objet à l’ambition sans doute louable, mais qui tirant uniquement sur la corde sensible oublie complètement d’être un film et prend le risque de n’être qu’une boîte de mouchoirs.

Titre original : La Régate

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Durée : 91 mn


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