La Merditude des choses

Article écrit par

<< Singulièrement dur et pourtant poétique, confie le réalisateur. Je trouve cela super beau. >> Comme s´il donnait ici raison à la célèbre assertion d´André Malraux : << La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie >>.

Il ne faut pas se fier à son titre provocateur, pourtant hérité du roman éponyme (2006) de Dimitri Verhulst, dont il est la fidèle adaptation. La Merditude des choses est un film magnifique et pourtant complètement désespéré, même si – hasard du calendrier ? – le distributeur a eu la riche idée de programmer sa sortie en salle juste l’avant-veille de Noël.

La Merditude des choses peut renvoyer à Reiser et son célèbre Papa. Ici pas de papa, mais des frères tout aussi éméchés et violents. Ce film se rapproche en effet du journal Hara Kiri, la tendresse qui affleure par moments en plus, sans oublier la poésie fleurissant quelquefois – même autour du vomi.

Ce film sélectionné à Cannes pour la Quinzaine des réalisateurs – dont on ne dira jamais assez l’excellent choix fait pour la cuvée 2009 – ne manquera pas de toucher, de choquer, de faire réfléchir. La « merditude » de la vie n’est plus à prouver. Disons surtout qu’elle semble plus violente dans certains milieux où les enfants sont confrontés à l’horreur économique, l’alcoolisme et la vulgarité.

Tout est réuni ici, et pourtant Gunther Strobbe enfant, par sa volonté et sa pugnacité, échappera à la malédiction d’une famille aux membres coincés entre bière et univers quasi freaks d’une ville flamande perdue. Ici, foin de la guerre picrocholine entre Wallons et Flamands, même si on pense bien sûr à la célèbre chanson de Jacques Brel. La photo s’inspire aussi de la peinture flamande, moins du côté de Vermeer que de Bruegel, Jean Meel, Peter Neefs, ou David Téniers le Vieux… Tous ces peintres qui ont magnifiquement rendu les portraits de groupes avec ivrognes, pochards, estropiés, façon Rembrandt des faubourgs et des bistroquets. Il faut dire que le réalisateur s’en donne à cœur joie, le livre d’origine lui en donnant la possibilité. Servi par des acteurs tous formidables, plus talentueux et « naturels » les uns que les autres, le film sert des scènes d’anthologie inoubliables au milieu de beuveries incroyables à côté desquelles les soirées parisiennes font réunions d’enfants de chœur, telles que celle de la course à vélo nudiste pour attirer les clients à la… brasserie. Le café, peuplé de naines et de trognes à la Goya, est le lieu où tout converge et d’où tout dérive, force à la fois centrifuge et centripète : c’est dire que l’avenir y est morose.

Grâce au roman autobiographique, ce film donne de la Belgique et de la Hollande une autre vision, plus truculente, mais aussi plus désespérée, comme si le pays baignait dans l’alcoolisme et la trivialité, un monde touché de plein fouet par la crise, mais surtout par l’ennui, ce spleen énorme à la dimension des plaines dépeuplées qui le composent. 

Titre original : Die Helaasheid der Dingen

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 97 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.