La Femme d’à côté (Francois Truffaut , 1981)

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Bernard et Arlette Coudray mènent une vie tranquille dans une commune proche de Grenoble, jusqu´à l´installation de nouveaux voisins, Philippe et Mathilde Bauchard. Bernard et Mathilde se connaissent déjà, puisque sept ans auparavant ils ont vécu une passion amoureuse et tumultueuse…

La Femme d’à côté (1981) est une œuvre réalisée de main de maître, contribuant à faire du cinéma français des années quatre-vingt une période de bouillonnement artistique, puisque les auteurs de la NV y côtoient les Pialat et les Téchiné. C’est bien sûr aussi le temps de la comédie française populaire, avec l’inévitable Louis de Funès mais aussi les acteurs émergents du Splendid comme Coluche ou Thierry Lhermitte, Josiane Balasko, Gérard Jugnot et Christian Clavier (Le père Noël est une ordure de Jean-Marie Poiré…). Le film de François Truffaut est l’histoire d’un amour interdit et impossible entre Mathilde (Fanny Ardant) et Bernard (Gérard Depardieu), tous deux mariés. Autrefois, ils se sont follement aimés puis quittés… pour se retrouver bien plus tard lorsque Mathilde et son mari Philippe viendront vivre dans la maison voisine. Seule une cour sépare les deux couples, véritable symbole des limites morale et sociale à l’adultère de Bernard et Mathilde.

Le jeu de fuite des amants

La passion adultère est centrée sur les deux personnages principaux, aucun parti pris n’étant favorisé, ni victime, ni coupable n’étant désignés. Truffaut choisit de confier le récit à Madame Jouve, narratrice qui ouvre et clôt le récit. C’est un personnage extérieur mais averti ,puisqu’elle est une « rescapée » de l’amour. Il est intéressant de voir comment les deux protagonistes vivent leurs retrouvailles, d’abord chacun de leur côté, puis plus tard réunis par le mensonge que la passion semble justifier.

La scène de rencontre tient une place majeure dans le film, la surprise réciproque des amants semblant indiquer que leurs destins vont changer. Bernard regarde en direction de la fenêtre. Mathilde descend de l’escalier. L’image se recadre ensuite sur Bernard qui marque un temps d’arrêt, visiblement troublé par Mathilde. Un gros plan sur le visage de Mathilde répond au plan précédent et montre un mélange d’émotion et de surprise. Depardieu adopte une attitude de repli.

Ce hasard de la vie met Bernard dans une situation embarrassante : on le voit au milieu de la cour – qui donne sur les fenêtres des deux couples – , observé à la fois par sa femme Arlette et Mathilde, son ancienne compagne. La scène du supermarché montre bien comment Mathilde tente de se rapprocher de Bernard, qui se montre en position de refus, à la limite de l’agressivité. Celui-ci va finalement accepter l’idée de partager des relations amicales avec sa nouvelle voisine. Ce rapprochement aboutira à un baiser passionné inversant visiblement les rôles, puisque la jeune femme prend sa voiture et fuit à son tour Bernard.

Le jeux de fuite – même s’il paraît sincère – manifeste un certain rapport de séduction qui conduira les protagonistes à se retrouver à l’hôtel, lieu d’expression de l’adultère. Les attitudes des deux amants continueront par la suite à diverger : Mathilde qui « vit dans le mensonge » veut prendre de la distance alors que Bernard lui propose de tout quitter. Lorsque Philippe annonce à ses invités qu’il part en voyage de noces avec Mathilde, Bernard sort de ses gonds : il brutalise celle qu’il aime, voulant la retenir mais aussi la posséder (il la tient fermement par les poignets). Quand Mathilde tombera dans une terrible dépression nerveuse, Bernard lui rendra visite mais semblera résigné à céder à la raison, en l’occurrence faire le choix de vivre une vie bien rangée avec sa femme et son fils. Mathilde, elle, ne peut vivre sans Bernard qui lui reste indifférent jusqu’à la scène finale où il lui fera l’amour avec passion et bestialité.

Le film a donc des airs de tragédie racinienne. Ces amours asymétriques provoquent un jeu de fuite sans fin entre les amants. Mais rien ne sert de fuir, car la passion finira bien sûr par les rattraper.

Une passion tragique

La passion entre les amants est une passion totale. Une passion qui emprisonne : on revoit la scène sous l’escalier où le rendez-vous à l’hôtel est fixé. Cet amour se cache derrière le mensonge : « j’aime une menteuse », reproche Philippe à sa femme, qui prononce le nom de son amant lorsqu’elle dort. Destructrice est la passion : elle conduit à la dépression de Mathilde et à la tentative de suicide de Madame Jouve. Le sexe est extrêmement présent dans la passion pas toujours « spirituelle » que partagent Bernard et Mathilde. C’est une manière pour Truffaut d’alimenter la tension dramatique. En effet, le réalisateur filme les ébats au cours du film avec de moins en moins de pudeur, jusqu’au tragique dénouement final.
 

Même s’ils restent des personnages secondaires, les époux ont tout de même une place importante dans le scénario. Comme par une triste ironie du sort, c’est Arlette qui force le rapprochement avec les voisins lorsqu’elle prend l’initiative de les inviter à son domicile. Quant à Philippe, il aime terriblement sa compagne et confie d’ailleurs à son ami éditeur que la rencontre avec sa femme a été pour lui sa « dernière chance de bonheur », alors que dans l’arrière plan, comme un symbole, cette dernière lui tourne le dos. Cette scène répond à celle du restaurant, où Bernard n’a pas vraiment suivi le film lorsqu’il va au cinéma avec Arlette : « Où avait-il la tête ? »… À ce moment là, les deux amants ne peuvent plus revenir en arrière, puisque visiblement, ils n’aiment plus leurs conjoints. Philippe et Arlette, pourtant compréhensifs et aimants,  rendent par leur naïveté mais aussi par la force de leurs sentiments le scénario encore plus dramatique. Tout comme l’enfant de Bernard qui dessine des baleines tristes… Ce sont eux qui culpabilisent les amants dans leur élan de passion. D’ailleurs, l’interdiction et la culpabilité qui accompagnent l’adultère pousseront Mathilde à l’acte final qui aura pour très belle conclusion : « Ni avec toi, ni sans toi »
 
Film fort et puissant, porté par une distribution de très grande qualité, La Femme d’à côté n’aura pas besoin au fond d’une mise en scène trop élaborée. Le montage linéaire de Truffaut suffit à cette œuvre dont le regard sur la passion et l’adultère conserve une résonance certaine. Notons pour finir que Truffaut, que l’on peut qualifier de cinéaste des passions tragiques, lorsque l’on se penche sur sa riche filmographie, s’était déjà tourné vers le thème de la trahison amoureuse avec La Peau douce (1964).

Titre original : La Femme d'à côté

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Durée : 105 mn


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