Jewell Robbery

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L’amour n’est jamais aussi bon que quand il est immoral.

Un délicieux Pré-Code reposant sur le cocktail si cher à Lubitsch : cadres de la haute société, cupidité et romantisme aussi piquant qu’inattendu. À cela s’ajoute la dimension amorale assumée typique du Pré-Code qui rend l’ensemble si irrésistible. La baronne Teri Von Horhenfels (Kay Francis héroïne lubitschienne par excellence dans Haute pègre, 1932) est lasse de son existence nantie et frivole où mari vieillissant, amants et caprices luxueux ne suffisent plus à tromper son ennui. Le personnage assume pourtant avec lucidité cette vacuité qu’il a grandement recherchée par paresse et par cupidité mais qui désormais ne lui suffit plus. « À mes yeux, je suis superficielle. Je papillonne toute la journée de fourrures en bijoux. Je ne souffre même pas, sinon d’ennui… » : Kay Francis enchante d’emblée dans ce registre glamour, séducteur et lascif où sous la superficialité se devine une vraie mélancolie. On est sous le charme de cette présence charnelle dès sa première apparition où elle passe à demi-nue entre les mains de ses domestiques la préparant à sa prochaine sortie, l’achat d’un luxueux bijou. C’est là que sa route va croiser celle d’un voleur (William Powell) venu dévaliser la bijouterie et dont elle va tomber sous le charme.

Il faut dire que le bougre commet son délit d’une main de velours, l’allure élégante et tout en petites phrases spirituelles détendant ses victimes sans jamais altérer sa détermination à les détrousser. William Powell (qui avait déjà partagé l’affiche avec Kay Francis dans Voyage sans retour de Tay Garnett l’année précédente) est toujours aussi à l’aise dans ce registre séducteur qui lui est coutumier, faisant preuve d’un bagout et d’une élégance folle. Pourtant lui aussi, dans un registre plus discret et plus propre au caractère dissimulateur d’un cambrioleur, laissera émerger un certain manque au détour de quelques répliques cyniques et de réactions surprenantes – sa reculade devant le baiser exigé par Kay Francis, comme effrayé par ce qu’il semble ressentir. William Dieterle organise cette séduction mutuelle en deux rencontres, où chacun des deux héros aura l’occasion de provoquer l’autre et de bousculer ses certitudes. La première sera donc celle de la bijouterie où l’étincelle renaîtra dans le regard pétillant de Kay Francis qui, nullement effrayée par son agresseur, multipliera les raisons de prolonger le hold-up. La seconde verra notre voleur quelque peu ébranlé s’inviter chez la baronne, l’argument de la cupidité laissant deviner les sentiments naissant. L’alchimie entre William Powell et Kay Francis est absolument remarquable, William Dieterle maintenant une tension érotique permanente par le jeu et la gestuelle de ses acteurs – Kay Francis plus provocante que jamais, arborant une émoustillante robe à dos nu – mais également par les jeux de regards et un festival de dialogues à double sens dont ce mémorable « Ne nous privons pas d’agréable préludes » lorsque William Powell mettra trop d’empressement à la déshabiller/vider la pièce de tous ses objets de valeur.

Leur temps ensemble est compté et c’est un plaisir qui est à savourer dans cet environnement de luxe propre à dissimuler leurs réel émois. Tous les personnages secondaires sont des pantins dont il est bon de se moquer par des gags hilarants – le gardien qui se meut en porteur docile pour notre voleur – et parfois incroyablement osés, comme celui dans lequel William Powell détendra ses victimes en leur offrant des « cigarettes qui font rire ». Les codes sociaux sont définitivement bousculés dans le merveilleux final où sans se délester de leurs travers, la promesse de retrouvailles est annoncée par un regard complice de Kay Francis.

Titre original : Jewell Robbery

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Durée : 68 mn


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