
De passage à Paris, le réalisateur nous a expliqué les raisons de son film. Pourquoi tourner Ida en Pologne ? Pourquoi en noir et blanc, en 4/3 même, avec une thématique politique, religieuse et idéologique si forte ? Pawel Pawlikowski n’a pas réalisé Ida pour être connu ou pour « plaire au grand public ». Il a fait ce film pour ceux qui parlent polonais et qui aiment ce genre de films. Touchant. Étrange. Curieux. Il a aussi fait ce film pour parler de deux femmes fortes, que tout oppose et que tout va finir par rassembler. Selon lui, ce sont les femmes les nouvelles protagonistes de la vie, pas les hommes – encore moins au cinéma. Les hommes sont soient beaux à l’écran, soient de vraies brutes. Mais il n’y a pas d’entre-deux, ce n’est sans doute pas à la mode. Alors le réalisateur polonais a soigné ses personnages, les a amenés à se questionner sur le monde qui les entoure, sur elles-mêmes. Ida tombera-t-elle amoureuse ? Quels choix va-t-elle faire entre son éducation catholique et son origine juive ? Aura-t-elle une autre vie que celle du couvent ?
La photographie du film est d’une perfection, d’une beauté rares. Des visages décadrés en bas à gauche, une neige fine qui tombe sur le cou d’Ida, un pas de danse un peu trop léger, un lit rassurant, une croix en bois comme seul repère… Ida se présente comme un film intime et intimidant, à la fois objet et questionnement sur l’identité, sur soi, sur sa foi. C’est bel et bien une fiction, et non un documentaire, sur la Pologne des années 60. Ces deux femmes racontent leur aventure et leur quête, et la Pologne est elle-même une protagoniste du film. Elle a sa place, ses défauts, ses charmes. Ida et Wanda s’aventurent de la ville à la campagne, d’un bar à un enterrement.

Bien loin de son film La Femme du Ve avec Ethan Hawke et Kristin Scott Thomas, Pawel Pawlikowski nous embarque dans une histoire de femmes, de femmes qui font l’Histoire. C’est par cette évasion grisée que toute une poésie se créée, des décors nostalgiques aux émotions secrètes, aux désirs, à l’amour, à la foi. Impossible de ne pas s’identifier, d’essayer de comprendre ou de critiquer les choix d’Ida. Un presque chef-d’œuvre.