Heroic Trio + Executioners, coffret DVD/ Blu Ray chez Carlotta

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Virevoltants, détonants, et même émouvants : deux beaux feux d’artifices signés Johnnie To.

De la longue et riche carrière de Johnnie To -plus de quarante ans derrière la caméra avec une soixantaine d’œuvres au compteur-, le public français aura surtout retenu PTU (1 et 2), Election (1,2 et 3) et Vengeance pour les fans de notre Johnny national, présenté en compétition officielle cannoise en 2009. Le plus souvent ancré dans une atmosphère de polar contemporain, le goût pour l’action du réalisateur hongkongais nous laisse souvent sans souffle. Situés dans un univers beaucoup moins réaliste -entre BD et SF-, Heroic Trio et Executioners, sorties dans la foulée en 1993, reprennent les ingrédients des meilleurs Actioner asiatiques, combats hors-sol , péripéties en cascade et humour, le tout dans une ébullition permanente. Chez Johnnie To, et particulièrement dans ce diptyque, l’action n’est pas un but mais un enjeu de mise en scène. En premier lieu, le décor, tantôt épuré proche d’une scène de théâtre pour les extérieurs, tantôt surchargé, quand les obstacles ou les différents objets engendrent des rebondissements. La photographie : des tons sombres qui mettent en exergue la féerie colorée des accessoires et tenues, dans une atmosphère souvent nimbée d’une lumière bleue à la tessiture futuriste. Dans ces cadres aussi surréalistes qu’envoutants, la chorégraphie des combats repose sur de savantes variations de cadrage et de mouvements de caméra –avec une prédilection pour les duels aériens. En plus de sa grande fluidité, la principale force du spectaculaire réside dans son dosage. Quelques plans, sans multiplication des cuts, suffisent à provoquer le vertige. La brièveté toute relative des scènes -en comparaison, entre autres, avec la surenchère des blockbusters- évite tout sentiment de saturation. De même, les scènes narratives sont loin d’être de simples pauses dans la mise en scène, comme l’illustre l’importance accordée aux déplacements des personnages ainsi que la richesse des arrière-plans.

Les références aux genres cinématographiques foisonnent, fusionnent et détonnent, surtout dans l’apparat des personnages -Cowboys, femmes super-héros, militaires communistes…- brouillant tout repère spatio-temporel. Aux Comics, le film emprunte son efficacité narrative –quelques vignettes et on passe à une autre situation- et son art de l’esquisse – quelques traits bien saillants suffisent à dessiner un personnage. Récits d’anticipation, dystopies, les scenarii des deux opus surfent sur les périls qui menacent l’humanité : le totalitarisme et les problématiques liées aux ressources naturelles. Le premier volet, Heroic Trio, permet aux trois héroïnes de s’allier dans un combat contre une sorte de démon tout droit sortie d’une mythologie ancestrale, dans un récit qu’on ne cherchera pas à résumé ici -d’ailleurs a-t-il vraiment la moindre importance ? Les aventures d’Executioners gagnent en cohérence sans pour autant se priver de fantaisie et de féérie. Et surtout, elles se révèlent bien plus émouvantes ; la douleur et la mort s’invitant d’une façon cruelle en touchant les personnages sujets de notre empathie. Mais, comme dans un manga, lorsqu’un enfant occupe une place centrale, la leçon de vie prend le dessus sur la douleur, la naïveté et l’optimisme comme de sempiternels boosters. On gomme tout –même le sang ne laisse pas de trace- et on repart de plus belle vers d’autres conquêtes.

Super-héros féminines avant l’heure, trois drôles de dames explosent tout sur leur passage. Incarnées par des spécialistes de kung-fu movies. Anita Mui, la moins célèbre mais la plus drôle du trio, Maggie Cheung dont le talent s’est ensuite exprimé dans des registres moins musclés, et Michelle Yeoh l’icône absolue des films d’action qui vient de remporter un Oscar avec Everything Everywhere All at Once. Ce film des Daniels peut servir de référence à nos lecteurs qui hésiteraient encore à découvrir le diptyque de Johnnie To. Pour ceux qui en ont apprécié l’imagination débridée, c’est une nouvelle occasion de perdre pied. Quant à ceux qui se sont sentis submergés par la surenchère de twists, de références et de boucles temporelles, la fluidité et l’apparente naïveté des deux films de To sont d’excellents moyens de se réconcilier avec le cinéma mainstream Hong-kongais.

 

Titre original : Dong fang san xia. In doi hou hap zyun

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Durée : 88, 95 mn


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