Gueules noires

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Un film d’horreur qui peine à faire peur et à impressionner.

1956. Au Maroc, le jeune Hakim parvient à se faire embaucher par le colonisateur. Il part loin de chez lui pour travailler dur et gagner de l’argent comme mineur de charbon. On lui réserve le site le plus difficile, au nord de la France : le « Puits du diable ». Le sort s’acharne, puisque quelques temps après son arrivée, il est choisi pour accompagner un étrange visiteur, un savant qui semble avoir une idée très nette de ce qu’ils pourraient trouver en creusant plus profond encore. La pierre se referme sur l’expédition, qui va bientôt découvrir qu’elle n’est pas seule au fond du gouffre.

Au nord, c’étaient les corons

Les souterrains constituent un décor évident mais idéal pour un film d’horreur. Sans trop de peine, ils permettent de jouer sur la peur facile mais toujours efficace du noir, et bien souvent de la claustrophobie. Bon nombre de films d’horreurs s’en servent déjà, et la font ressentir au spectateur en construisant des huis clos, dont il faut dès lors parvenir à trouver la sortie. Un cinéaste qui désire se démarquer doit penser à l’installer, afin de lui donner un peu d’originalité mais surtout un certain caractère, qui va nous accompagner pendant la majorité du visionnage. Mathieu Turi, très jeune réalisateur français dont c’est un des premiers films, s’en sort brillamment dans cette première partie qui nous fait découvrir les mines de charbon à travers les yeux d’Hakim ; uniquement masculin, agressif, poisseux et frémissant. Hakim côtoie d’autres nationalités, d’anciens résistants, des animaux… Quelqu’un est toujours en train de crier ou de donner un ordre. La mise en scène réussit à produire un effet très immersif, ce qui a de quoi étonner puisqu’elle ne repose pas sur les procédés à qui on confère habituellement ce genre de caractère, la caméra subjective ou le plan séquence par exemple, plus efficaces ou plus spectaculaires, moins subtils en tout cas. Mathieu Turi préfère rester à hauteur d’homme, au niveau des épaules, avec quelques rares plans très larges. Notamment un qui montre Hakim au milieu de l’effervescence des changements de quarts, planer légèrement au-dessus, et dure juste ce qu’il faut pour prendre une pause dans sa descente avant qu’il ne soit rattrapé par les consignes. Pas besoin d’un mouvement de grue pour souligner l’émotion.

Série B

La suite est malheureusement bien moins savoureuse et glisse presque dans un autre genre, plus proche du film d’aventure à la Indiana Jones ou de la série B. Cette dernière n’étant pas un jugement sur la qualité des effets visuels, mais plutôt sur des choix d’écritures et de mise en scène. Au fur et à mesure que l’intrigue et les personnages se développent, ils peinent à se démarquer d’autres films où on aurait pu les voir. On multiplie les raccourcis, les dialogues convenus et la confusion. Une scène en particulier : on agite une lumière et on voit quelque chose, mais loin et mal. On éteint (pourquoi ?) et on s’y reprend, cette chose s’est rapprochée. Des fois qu’on aurait mal vu, on regarde une troisième fois, et c’est le sursaut, le monstre est là. Véritable cliché (ici, c’est le cas de le dire), il est certain que vous avez déjà vu cette scène dans un film Bloomhouse ou une production plus indépendante. Elle achève de séparer les amateurs de l’horreur « d’auteur », qui soupirent, de ceux qui aiment simplement le frisson plus facile. Citer grand nom de la littérature gothique ne sauve rien, et bien qu’il y ait quelques idées intéressantes à sauver, la dernière partie du film reste assez décevante.

Un nouvel espoir

Beaucoup de spectateurs, moi y compris, veulent voir émerger un cinéma de genre francophone et ont beaucoup d’attentes lorsqu’un réalisateur montre une appétence particulière pour eux. Faire un film est une entreprise périlleuse, beaucoup de raisons peuvent expliquer son échec, et c’est en fait un miracle s’il en ressort quelque chose de bien. Ici, cela ne prend pas. Mathieu Turi est un jeune réalisateur, et on ne peut que lui souhaiter le meilleur pour la suite : s’approprier le genre de l’horreur pour lui donner un autre visage, le sien. Je viendrai pour le prochain.

Pour aller plus loin et vivre une meilleure expérience, Catacombes (2014) ou The Descent(2005) sont de bons exemples d’horreur claustrophobique efficace, mais le meilleur reste probablement Alien(1979).

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Durée : 103 mn


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