Glengarry (Glengarry Glen Ross)

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L´éditeur Carlotta met fin à de nombreuses années d´attente, en sortant dans une édition spartiate le Glengarry de James Foley, à la prestigieuse distribution et au script passionnant signé David Mamet.

Sorti le 20 février. Edité par Carlotta.

L’état de grâce de James Foley dura, comme nombre de réalisateurs, le temps d’un film. Le sien s’appelait Comme un chien enragé, et mettait en scène Christopher Walken et Sean Penn, dans un duel père-fils bouleversant et original. Un petit coup de maître qui fit entrer le réalisateur dans l’Histoire, mais qui ne suffit pas pour lui assurer une carrière digne de ce nom. Voué à la série B la plus basique (Fear, Le corrupteur), James Foley signa tout de même au début des années 90 ce prestigieux Glengarry, adapté de la pièce à succès de David Mamet, et fréquenté par une belle galerie de comédiens : Al Pacino, Kevin Spacey, Ed Harris, Alec Baldwin, Jack Lemmon, Jonathan Pryce… Excusez du peu ! Tous ces brillants interprètes sont ici au service d’une fable grinçante sur le capitalisme moderne, symbolisée par une société de vendeurs en immobilier, qui doivent se marcher les uns sur les autres, pour réaliser le meilleur chiffre de ventes et éviter le licenciement.

Les origines théâtrales du script de Mamet sont évidemment aussi visibles que le nez au milieu de la figure : unité de temps (le film se déroule sur 24 heures), de lieu (la société, et le bar d’en face), et d’action (tous les protagonistes sont motivés par un seul objectif : faire du chiffre, et en peu de temps), les trois constantes sont ici respectées à la lettre. Mais cela n’étouffe pas les ambitions cinématographiques de James Foley, qui affirme ici sa maîtrise de la mise en scène en lieu clos, en jouant sur les oppositions de cadres, autant que sur l’énergie de ses comédiens. Les duels entre Harris, Pacino et Lemmon renvoient ainsi aux confrontations entre Walken et Penn, atteignant des sommets d’intensité alors même qu’il ne s’agit que de filmer deux hommes debout dans une pièce.

Brillant réquisitoire sur l’inhumanité ordinaire, la veulerie la plus affichée, l’hypocrisie érigée en règle de vie, Glengarry Glen Ross (titre original) a gagné avec le temps ses galons d’œuvre culte, et demeure plus que jamais d’actualité. La preuve, la pièce est encore régulièrement jouée sur les scènes françaises et anglo-saxonnes.

Malgré le prestige de ce titre longtemps attendu sur format numérique, l’éditeur Carlotta Films n’a pas trouvé matière à créer de véritable interactivité pour la sortie DVD. Si la copie présentée est exempte de défauts, pas de bonus en vue pour Glengarry. Et pourtant, il aurait été intéressant d’entendre les acteurs et le réalisateur s’exprimer sur les tenants et les aboutissants du texte ici porté à l’écran. Car malgré son sujet austère et son scénario uniquement construit autour des dialogues et des interactions entre les différents personnages, Glengarry passionne et nous interroge à chaque instant. Que seriez-vous prêt à faire pour satisfaire votre ambition personnelle ? Jusqu’où peut-on s’abaisser pour « rester dans la course » ? Plus dérangeant, la morale rentre-t-elle en compte dans la réussite d’une entreprise, quelle qu’elle soit ? 
 

Titre original : Glengarry Glen Ross

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Durée : 100 mn


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