Dune

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A l’occasion de la sortie-évènement du Dune (2021) de Denis Villeneuve, retour sur la version de David Lynch (1984), qui avait nécessité trois ans et demi de tournage, six jours sur sept : un film inclassable, désormais considéré comme culte.

Dune. Errance lunaire, inconscient imaginaire.

Dune symbolise une galaxie imaginaire composée de quatre planètes (Arrakis, Caladan, Giedi Prime, Kartain) et de trois clans, les Harkonnens, les Atréides et les Fremens.  La première planète, Arrakis, est au centre des convoitises. Sa surface désertique contient en effet une mystérieuse épice capable de prolonger la durée de vie des hommes. Les Fremens sont une peuplade nomade qui vit cachée sur cette planète. Les Harkonnens, dirigés par un baron ambitieux, occupent militairement Arrakis et exploitent l’épice avec la complaisance de l’Empereur de l’Univers Inconnu, un allié corrompu.

Les Atréides vivent sur la planète Caladan et convoitent également ce trésor. Ils préparent activement une attaque massive sur la planète Arrakis. Son monarque protège et éduque son fils, Paul Atréide, afin de l’installer sur Arrakis après l’invasion. La guerre est en marche. Derrière cette guerre autour de l’épice se cache également une prophétie, l’ère du Kwisatz Haderach, un leader charismatique qui viendrait apporter un nouvel équilibre entre les peuples de la Galaxie grâce à d’importantes révélations. Paul Atréide est pressenti dans ce rôle…

Dune ambitionne ainsi une double dimension pour son récit : une conquête lunaire de grande ampleur ainsi que l’attente d’un « messie » pour régir cet ordre spatial. La dualité de cette « errance » guerrière d’un combat et de « l’imagination » prophétique d’un homme constitue une des clés du succès de l’adaptation du roman de Frank Herbert. Cette dimension religieuse prend différentes formes. Paul Atréides devient Usul chez les Fremen, l’homme qui constitue la base de la vie. Il prend ensuite le nom de Muad’Dib qui symbolise l’immortalité. Tel un prophète, il emène ses hommes vers un avenir meilleur.

Longtemps considéré comme « inadaptable », Dune a fait l’objet d’une imagination débordante dans la préparation des décors, dans la définition des personnages, dans le choix des acteurs (Sting), des musiques (Bande son interprétée par Toto). Le résultat visuel est d’une grand originalité. Le débat qui anime les cinéphiles est de savoir si cette originalité ne constitue pas davantage une excentricité…

« Arrakis… Dune… Desert Planet », épopée de science fiction ou opéra fantastique

Le Désert. L’imensité de l’espace. Le silence. Dune ne s’aventure pas dans un déluge de détails ou une action débordante. La trame narrative sépare habilement le calme des scènes d’intérieur, de l’action « walkyrienne » des combats extérieurs à l’image de Blade Runner de Ridley Scott. La technicité du fonctionnement de cette univers (production d’épices, lois de gravité modifiés…) est allégée par des scènes plus concrètes (des discussions entre un père et son fils, des moments de réflexion) et des scènes grotesques. Le Baron Harkonnen prend ainsi l’apparence d’un pervers masochiste qui vide un servant de son sang. Une simple boîte en bois devient l’occasion de décrire d’incroyables souffrances. Ce décalage surréaliste constitue l’identité unique de Dune, film de science fiction. Toutefois ce surréalisme se rapproche d’autres réalisations de Lynch comme Eraserhead.

Cet effort de synthèse entre une histoire riche et complexe et une trame narrative compréhensible crée une dynamique filmique unique. David Lynch ne garde que l’essentiel du roman de Herbert. Olivier Delcroix souligne à cet égard que « Beaucoup de choses ne sont pas dans ce film par manque de temps d’y être, mais l’esprit y est ». David Lynch réussit un pari incroyable dans Dune :  mélanger le dynamisme d’un film d’action fantastique à l’intensité mystique d’un opéra prophétique.

Kwisatz Haderach, portrait œdipien ou prophétie divine ?

Dune place au sein de son récit un mystère tournant autour de l’avènement d’un leader charismatique prophétique, le Kwisatz Haderach. Ce personnage symbolise la dimension mythologique du film. On pourrait ainsi penser que Paul Atréide est une illustration du mythe d’Œdipe. Certains aspects coïncident. Paul est poussé vers un inexorable destin qu’il ne maîtrise pas. Une fuite en avant. Toutefois la comparaison s’arrête là. Paul Atréides ne tue pas son père et n’épouse pas sa mère. Il devient toutefois Kwisatz Haderach, alors qu’il venge son père, et protège sa mère qui accouche de sa soeur.

Il se cache ainsi derrière le portrait de Paul Atréides (Kyle MacLachlan) un rapport mystique à la famille. Pour renforcer cette dimension divine, David Lynch utilise la voix off des personnages. Se succèdent  peur, joie et pensées des protagonistes. Le père de Paul, lui, évoque en substance sa destinée. « Without change, something sleeps inside us, and seldom awakens. The sleeper must awaken. ».

« Be the hand of god be with you ». La famille devient une source de construction divine du personnage. Paul Atréides ressemble ainsi à un heros grec, au même titre qu’Œdipe. Les nombreux apartés de Paul avec sa conscience sont l’occasion de rappeler le destin qui l’attend.

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