Dominique, les yeux de l’épouvante (Coffret Combo DVD/Blu Ray + Livret chez Rimini Edition)

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Un beau cauchemar vaporeux et pénétrant.

Suite à un grave accident domestique, Dominique Ballard, épouse de David, un riche financier, est-elle victime d’hallucinations ou d’une sourde machination ? Pour ne pas passer à côté de cette heureuse édition vidéo il faut préalablement dépasser l’obstacle d’un titre passe-partout et déceptif. Au simple prénom peu évocateur des créateurs originaux, les distributeurs français ont cru bon de souffler inutilement  sur les braises de l’enfer pour attirer le chaland. Car si Dominique, les yeux de l’épouvante fait bon usage des codes du genre qu’il promet et promeut, c’est dans les eaux troubles du thriller psychologique qu’il navigue le mieux. L’atmosphère et l’intrigue rappelant celles développées par La Hammer dans ce registre Meurtre par procuration ou ParanoiacPeu surprenant quand on sait que Dominique est produit par Milton Subotsky qui fut l’un des deux fondateurs d’Amicus, son grand concurrent anglais. Mais Dominique date de 1981, et depuis la fin des années soixante, les codes de l’angoisse ont volé en éclat, la frontière avec les autres genres également. Le huis clos bourgeois de Michael Anderson affiche sincèrement son héritage gothique. La topographie des lieux : grand escalier central, couloirs interminables, multiplication des pièces dont la répartition fait sens : le salon pour feindre la convivialité, les chambres séparées du couple, la chambre mansardée qui abrite le chauffeur et son secret… De même, on ose encore convoquer des fantômes fait de chair et de sang et les cimetières noyés de brume. Hommage poussiéreux et poussif sur le papier, cette version andersonienne de revenant trouve cependant un véritable souffle et une très appréciable singularité.

Depuis le cri poussé par la politique des auteurs on a eu tendance à dénigrer l’importance du scénario au nom d’intentions plus nobles. C’est oublier la nécessité de pouvoir compter sur une structure solidement charpentée, qui plus est dans les genres qui nous concernent ici. En adoptant What Beckoning Ghost ?, le roman d’Harold Lawor, Valerie et Edward Abraham – réputés pour leur rapidité d’écriture* – ont livré une mouture épurée et dense. Parcimonieusement distillés les péripéties et les rares twists laissent le temps faire son ouvrage. Le temps de laisser poindre un rictus énigmatique sur le visage ambigu de David –  charmeur et ténébreux Cliff Robertson. Le temps de saisir le basculement, non définitif, de son épouse vers la paranoïa, campée par la fragile et toujours sensuelle Jean Simons. La caméra, le plus souvent peu mobile, préfère capter à distance – ou par des zooms très doux – les mouvements lents des protagonistes. La pesanteur des scènes de tension et de poursuite – notamment dans le jardin d’hiver dénote positivement des habituelles représentations. Ce n’est malheureusement pas le cas de la bande son, pourtant discrète et efficace par ailleurs, qui ne fait dans ces moments-là que souligner lourdement les effets horrifiques.

C’est dans la fixité que Dominique imprime son magnétisme. La dilation du temps prend tout son sens et son ampleur grâce à la spectrale photographie de Ted Moore qui subjugue en permanence notre regard et brouille nos repères spatio-temporels. Dès les premiers plans, dans le face-à-face entre David et Dominique un doute s’installe, pourtant installés pourtant dans la même pièce les deux conjoints semblent évoluer dans des sphères éloignées. Le sentiment de doute et  le mystère gagnent en intensité au fil de l’intrigue : les lumières réfractées et les subtiles variations chromatiques – la version Blu Ray permet d’en apprécier toutes les nuances – dessinent des personnages en surimpression, dans une position frontalière entre le tangible et l’intangible, entre le présent et un non-temps. La machination destinée à nous triturer les méninges passe au second plan, supplantée par des plaisirs vaporeux. Pour tous ceux qui aiment cauchemarder les yeux grands ouverts, Dominique sera un doux  voyage.

 

Le combo DVD/Blu-Ray chez Rimini Editions.

* Au sein du combo, le livret consacré à Milton Subotsky revient, sources à l’appui,  sur la genèse du film.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Titre original : Dominique

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Durée : 100 mn


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