Désengagement (Disengagement)

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Entre Avignon et Israël, il n’y a pas de frontière.

Désengagement est l’exemple parfait du film qui sait prendre son temps. Et pour cause. Le sujet qu’il développe ne saurait s’apprivoiser dans la précipitation. Suite à la mort du père, Ana (Juliette Binoche, particulièrement émouvante) retrouve son demi-frère israélien, Uli (Liron Levo). L’accumulation de plans épaules fixes, parfois de gros plans, permet une immersion constante dans l’intime. Car sur fond de désengagement de Gaza, dans lequel rien n’est plus semblable à un corps qu’un autre corps, c’est bien sur les histoires personnelles que se concentre le réalisateur Amos Gitaï.

La première partie du film se consacre au temps du recueillement. Le père vient de mourir et l’on veille son corps dans la maison familiale à Avignon. À côté de la dépouille, Barbara Hendricks interprète un lied de Mahler, ce compositeur de la fin du XIXème siècle dont les influences sont surtout wagnériennes. Das Lied von der Erde (Le chant de la terre) est un poème symphonique dont la structure même (une voix accompagnée d’un piano ou d’un ensemble instrumental), tirant vers l’épurement, apporte aux scènes une atmosphère ecclésiastique. Ce chant de la terre est une métaphore sur la mort : le père sera bientôt poussière, il retournera à la terre.
Avec ce père s’introduit la notion d’héritage, au sens large du terme. Il y a l’héritage financier, bien sûr,  mais aussi psychologique et émotionnel. C’est par le testament paternel qu’Ana apprendra où se trouve sa fille, dans une séquence magnifique dans laquelle Jeanne Moreau incarne un notaire. Ce qui semblait établi et rigide vole en éclats après cet entretien. Rien ne sera plus comme avant.

La seconde partie est le temps du déplacement. Voyage géographique et humain. Les deux personnages principaux, lors de leur séjour à Gaza, retrouveront leurs essentiels. Ana, femme-enfant lassée de son existence, cherche dans ce pays inconnu une descendance abandonnée. Désengagée vingt ans plus tôt en renonçant à sa fille à la naissance, elle fera tout pour mettre sa sensibilité au service de ces retrouvailles. Uli se trouve lui à Gaza car il y est policier. Tiraillé entre son devoir de maintien de l’ordre et son affection pour sa demi-sœur, il assumera malgré tout ses responsabilités.
En contraste avec l’univers architectural des maisons d’Avignon, cette partie israélienne joue la déconstruction. Le mouvement des corps est aussi la conséquence de la démolition de l’habitat. Mais chacun court non pas pour fuir mais pour reconstruire. L’énergie qui se dégage des images laisse supposer une motivation indestructible.

Désengagement s’attache à détruire les frontières et à rapprocher les âmes. Le meilleur témoignage en est certainement la scène d’ouverture du film. Uli, l’Israélien, aide une Palestinienne à qui on demande les papiers. S’en suit un baiser fougueux et passionné dans ce minuscule couloir de train. Le message, c’est peut-être celui-là : après la persécution, n’est-il pas temps, enfin, de laisser place à l’amour ?

Titre original : Disengagement

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Durée : 115 mn


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