Comme une image

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Après le merveilleux Le Goût des autres, on attendait beaucoup de Comme une image, nouvelle réalisation d´Agnès Jaoui sur un scénario écrit avec son complice Jean-Pierre Bacri. Comme une image est un film choral, où les protagonistes sont tous un peu perdus. En premier lieu l´écrivain détestable d´égocentrisme campé par Bacri (qui cabotine légèrement, au […]

Après le merveilleux Le Goût des autres, on attendait beaucoup de Comme une image, nouvelle réalisation d´Agnès Jaoui sur un scénario écrit avec son complice Jean-Pierre Bacri.

Comme une image est un film choral, où les protagonistes sont tous un peu perdus. En premier lieu l´écrivain détestable d´égocentrisme campé par Bacri (qui cabotine légèrement, au passage). Un personnage haïssable, mais qui pourtant suscite la pitié. Sa fille elle-même traverse une profonde une crise de confiance et d´identité. Tous les personnages suivent une trajectoire où ils sont amenés à émettre des jugements plus ou moins fondés et à prendre des décisions importantes, mais souvent sur des coups de tête. A part peut-être Sébastien, protagoniste le plus << noble >> de l´histoire, aucun n´est en mesure de se détacher de préjugés égocentrés ; tous condamnent, aiment ou haïssent selon l´image qu´autrui leur renvoie d´eux-mêmes.

Tout de suite, la touche Jaoui – Bacri se laisse percevoir à travers des dialogues incisifs, des personnages tous bien ciselés, des tons voguant entre comédie et drame, et surtout la faculté à mettre tant d´intensité dans des instants de tous les jours. Comme une image dresse une galerie de portraits empruntant des allures de fable amère et satirique sur la célébrité. Un petit lapsus qui provoque une catastrophe, une discussion qui tourne au pugilat, une amitié qui se délite, une autre qui se forme sous le signe de l´hypocrisie des sentiments… Toutes ces petites choses de la vie quotidienne prennent une autre dimension grâce à la finesse du scénario et à la justesse d’observation de la cinéaste.

La force du film, comme dans Le Goût des autres et les autres scénarios de Jaoui (Cuisine et dépendances et Un air de famille notamment), est de faire de nous les spectateurs de cette grande farce humaine. Car à travers le regard porté sur les personnages, c´est bien de nos propres défauts dont nous sommes placés juges. Comme une introspection de notre propre propension à vicier les rapports humains, de notre incapacité à nouer des relations fondées autrement que sur l´hypocrisie et l´égocentrisme.

Mais malheureusement, quelques zones d´ombre viennent couvrir Comme une image. La fin tombe allégrement dans le pathos, alors que justement, la finesse du Goût des autres était d´émouvoir sans recourir à de trop évidentes ficelles mélodramatiques.
En outre, le film verse dans un certain moralisme, tendance que l´on sentait poindre dans le premier film de Jaoui sans que la cinéaste ne franchisse le pas. Comme dans toute fable, les scénarios de Cuisine et dépendances, d´Un air de famille et du Goût des autres étaient ponctués par une morale. Mais entre morale et moralisme, il y a un gouffre. Jaoui semble malheureusement sortir de sa position d´observatrice des comportements humains pour adopter celle de juge de ses propres personnages. Glissement quelque peu énervant, car justement, on aurait aimé que la cinéaste s´efface et laisse ce rôle à nous spectateurs.

Dommage, donc, que ces deux défauts viennent gâcher le plaisir. Comme une image reste cependant un film de très bonne facture et d´une finesse remarquable. Mais il supporte peut-être mal la comparaison avec Le Goût des autres.

Titre original : Comme une image

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Durée : 110 mn


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