Coffret Raoul Walsh : O.H.M.S. et The revolt of Mamie Stover

Article écrit par

Deux grands films de guerre réalisés par l’un des borgnes les plus fameux d’Hollywood.

« Raoul Walsh ? On connaît ! » Pas tout à fait, et de toutes façons, jamais assez ! Certes, peu nombreux sont ceux qui ne connaissent pas, ou sinon par ouï-dire, des films comme The big trail (La Piste des géants) ; They Died with Their Boots On (La Charge fantastique) ou High Sierra (La Grande évasion) : c’est le destin des légendes du cinéma ! Mais cette fois, l’occasion est offerte de découvrir deux films sûrement moins connus, plus rares, et par là d’autant plus intéressants : O.H.M.S. et The revolt of Mamie Stover (Bungalow pour femmes).

Hasard du marché des droits ou choix éditorial particulièrement fin, le fait est que ces deux films, pris ensemble, semblent se répondre, se compléter, se regarder des deux bords des vingt ans qui les séparent. Deux grands films de guerre, comme le dit l’accroche, qui, ajoutons-le, ne la montrent quasiment pas : et pourtant ils en portent la senteur, ils en sont traversés, ils y pensent beaucoup, surtout quand ne retentissent pas les coups des fusils.

O.H.M.S, tourné en 1937, avait encore l’humour et la drôlerie pour pouvoir s’en moquer. Jimmy Tracy, le mauvais garçons new-yorkais, enrôlé presque malgré lui, pouvait encore espérer mettre le vieux monde face à ses fausses valeurs, ses caducs idéaux, et rire avec le spectateur de ces colonels gauches et ces cérémonies officielles, leur apprendre que la valeur d’un geste véritablement héroïque ne s’apprend pas à l’entraînement militaire ! Jouant sur un ton presque de vaudeville, il pouvait encore espérer une Amérique généreuse, capable d’amour, consciente de ses défauts mais tout compte fait honnête, bien différente de celle que la guerre montrera.

Ainsi, The revolt of Mamie Stover révèle la face cachée de ce pays brillant : bien que différente, elle est toujours la même médaille. Tourné en 1956, en cinémascope et en couleurs, mais situé à la veille de Pearl Harbour, en 1941, le film s’attache de nouveau à un mauvais héros, une fille cette fois, Mamie Stover. Chassée de San Francisco, réduite au rang de prostituée, elle part à Honolulu chercher fortune. Assoiffée de réussite, avide d’argent, de reconnaissance, de pouvoir, mais absolument charmante et terriblement belle, elle ne peut pas qu’incarner l’Amérique, même celle de nos jours. Cette Nation qui, pour l’argent, trahit ses hommes, devenus des soldats, qui profita de la guerre pour faire du business, a perdu l’amour et la possibilité de se racheter, rongée par la convoitise du capital. Une Amérique à laquelle Walsh veut donner une seconde chance, mais qu’il condamne ouvertement.

Deux films au bord de la Guerre, et deux histoires d’amour. D’un amour qui était possible, qu’il fallait apprendre et tenir coûte que coûte et qui s’est vendu pour deux sous.

L’histoire du cinéma résonne de titres illustres. Mais puisque ce DVD le permet, il vaut vraiment la peine de creuser encore, pour découvrir peut-être deux classiques oubliés qui ont tellement à dire sur notre présent, quitte à ne pas les prendre comme des pièces de musée mais à se laisser porter par la finesse d’une mise en scène magistrale, qui a le grand talent de ne pas chercher à se montrer mais d’être précise, rythmée, pensée.

Titre original : The Revolt of Mamie Stover

Réalisateur :

Acteurs : , , , , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 93 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.