Cendres

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Un documentaire pudique et émouvant sur l’acceptation du deuil.

Le film d’Idrissa Guiro et Mélanie Pavy raconte deux histoires, l’une cédant sa place à l’autre en un émouvant passage de flambeau. D’un côté, Kyoko, la japonaise secrète et férue d’indépendance, qui s’installa en France, fut actrice de la Nouvelle Vague, et dont il ne reste aujourd’hui que des images, un journal intime et une poignée de cendres. De l’autre, Akiko, sa fille, qui vécut à l’ombre d’une génitrice quelque peu distante, et dont le présent documentaire l’érige au rang d’héroïne – pour, elle aussi, se forger un destin de cinéma. Cette confrontation devient, dès lors, le lieu d’une double confession : celle d’une mère qui lègue le récit de sa vie à sa fille, et se libère ainsi par la parole enfin donnée, face à celle d’une femme qui s’affranchit par l’image de tout un poids du passé, en se livrant au regard bienveillant de nos deux cinéastes.

 

Dans leur peinture d’un deuil, les deux auteurs évitent soigneusement toute complaisance en trouvant la distance idéale. À la fois trop près de la situation pour n’être qu’un simple observateur extérieur, et trop loin pour s’imposer ou en perturber le déroulement, la caméra assume dès lors le statut de témoin bienveillant, d’invité, comme en témoigne cette séquence de repas de famille où elle prend place à table, parmi les convives. En de longs plans fixes qui laissent les choses se faire d’elles-mêmes, le film parvient à capter la respiration secrète d’un cheminement intérieur et d’une cérémonie collective, l’écoulement inéluctable mais apaisé du temps nécessaire à l’acceptation. Les silences sont autant chargés de sens que les mots, et toutes les émotions sont contenues, ritualisées selon une logique de pure adhésion au réel tel qu’il va.

Aussi, Cendres s’impose comme un récit à la fois universel dans sa trajectoire initiatique et intimement japonais par le sentiment de sérénité qui, à chaque instant, s’en dégage. C’est alors l’occasion pour le spectateur occidental de partager avec Akiko (qui, ayant grandi en France, s’est coupée de tout un pan de ses traditions natales) la découverte pleine de respect et de curiosité pour une culture si différente. À ce titre, le moment où la famille se partage les cendres funéraires de Kyoko est particulièrement savoureux – l’aspect à la fois beau, solennel et dérisoire de la chose étant souligné par la touchante maladresse d’Akiko, qui apprend sur le tas les coutumes inhérentes à l’accomplissement du deuil. Si Cendres est hanté par la disparition, il croit foncièrement en la puissance du cinéma pour la dire, mais en un sens aussi pour la conjurer. En un émouvant télescopage de mort intime et collective (le deuil d’une mère pour Akiko, le traumatisme d’Hiroshima pour Kyoko et sa famille), c’est à une trajectoire éminemment solaire que, pourtant, le film nous convie – et dont la belle finalité consiste à, littéralement, renaître des cendres de l’autre.
 

Titre original : Cendres

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Durée : 74 mn


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