Cars 2

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Pixar délivre à nouveau un divertissement haut de gamme mais laisse néanmoins poindre les premiers signes d´un certain essoufflement.

Pour beaucoup, Pixar est parmi ce qui est arrivé de mieux au cinéma américain contemporain, au-delà même du secteur de l’animation. Pensez donc, à l’heure où les blockbusters Hollywoodien semblent s’enfoncer dans la redite sans risque (suites, remake et reboot précoces n’ont jamais été aussi nombreux), la firme à la lampe nous fournit depuis 15 ans déjà des œuvres originales, à l’imaginaire foisonnant et changeant d’un film à l’autre et parlant à toutes les générations. Pixar a tout simplement supplanté son partenaire Disney et réussi à éviter le piège infantilisant dans lequel ce dernier avait fini par tomber.

La grande force de Pixar, c’est une prise de risque constante au service l’imagination et de la créativité, qui a donné douze longs-métrages et (préférences de chacun mise à part) autant de joyaux avec une régularité qui laisse pantois. On n’aura eu de cesse de guetter un fléchissement qualitatif qui n’est encore pas arrivé. Certains observateurs le situent à tort avec le premier Cars. Succès immense au box-office US, c’est un des rares films du studio à avoir été fraîchement accueillis en Europe et en France plus précisément. Récit d’apprentissage naïf à la Capra, Cars était une œuvre à la simplicité et la bonhomie à l’image de son réalisateur John Lasseter. Gorgé d’imagerie et de mythologie profondément « americana », ces bons sentiments et ce positivisme ne pouvaient parler avec une même force à un public européen (l’univers inspiré des courses Nascar lui parlant peu), d’où le relatif dédain pour Cars et le peu d’attente suscitée par sa suite.

 

 

Hormis la saga des Toy Story, Pixar n’avait guère capitalisé sur les suites de ses succès (ce qui est amené à changer, un second Monstres et Cie étant en préparation), privilégiant l’innovation. C’est donc précisément lorsque le studio cherche à le faire qu’il déçoit réellement pour la toute première fois. Objectivement, il n’y a pas grand-chose à reprocher à ce Cars 2, qui rassemble tous les éléments du cahier des charges Pixar : perfection technique ébouriffante, récit trépidant, double niveau de lecture adultes/enfants… Pourtant, rien qu’à user de ce terme, « cahiers des charges », il y a déjà comme un léger problème lorsque l’on parle de Pixar. Le studio n’a jamais été exempt de schémas narratifs répétitifs et attendus (la grande révélation/remise en cause du héros avant la  course poursuite finale survoltée) et de thématiques récurrentes mais la sincérité des émotions transcendait toujours cela. Ici, il semble que Pixar ait été victime du pire travers qui soit quand on a un tel talent : le savoir-faire.

Tout est donc bien en place, sauf qu’il n’y a plus aucune surprise, aucun coup de génie. L’univers du premier film est habilement renouvelé avec cette course autour du monde, l’ambiance d’espionnage pop british à la James Bond, le récit d’initiation remplacé par celui d’amitié avec un audacieux basculement du héros (Flash McQueen passant presque au second plan). Il manque malheureusement l’étincelle, la surprise dans ce déroulement trop mécanique. La madeleine de Proust du critique culinaire dans Ratatouille, la bouleversante scène finale de Monstres et Cie, la séquence de l’incinérateur de Toy Story 3 offraient cet inattendu. Tout est un peu trop à sa place dans Cars 2 et fait figure de redite, que ce soit l’influence Bondienne (Les Indestructibles), la peur du déclin et de l’oubli (Toy Story 2 et 3, Là-haut) et les quelques audaces scénaristiques sur l’écologie et les lobbies industriels paraissent bien artificiel. Des éléments passionnants qui ont donné un film autrement supérieur et surprenant, avec l’injustement conspué Speed Racer des Wachowski, auquel on pense beaucoup ici.

 

Aucun frisson à espérer dans Cars 2, même si le récit alerte et les guests (Michael Caine, grandiose comme à son habitude) permettent de passer un moment agréable. On n’avait juste pas l’habitude d’avoir un simple « bon » film de la part de Pixar, surtout au moment où la concurrence dégaine un extraordinaire Rango. Espérons que ce faux pas est surtout dû aux nouvelles responsabilités de Lasseter chez Disney, car après un Arriety tout aussi mécanique chez Ghibli, ce serait deux des plus grands pourvoyeurs de rêves récents qui seraient menacés de déclin.

Titre original : Cars 2

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Durée : 112 mn


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