Café de Flore

Article écrit par

Une bande-son exceptionnelle qui rythme un film ambitieux où Jean-Marc Vallée réaffirme son talent à sculpter ensemble musique et images.

Jean-Marc Vallée a la particularité de savoir donner dans ses films un vrai rôle à la musique. On l’avait constaté notamment dans C.R.A.Z.Y (2006), où les spectres des Pink Floyd, des Rolling Stones ou de David Bowie planaient entre promenades en moto et fumages de pétard en cachette… Café de Flore n’échappe à la manie du réalisateur : le récit, le montage… tout est ordonné en fonction de la musique jusqu’à être à deux doigts de noyer le film sous trop d’effets sonores. Cependant, la symbiose opère et Vallée confirme son talent à sculpter images et sons pour un résultat captivant.

Ses choix sont ambitieux et le début du film peut laisser dubitatif. Deux (voir trois au départ) histoires et deux époques : Montréal, aujourd’hui, un homme file le parfait amour avec une femme tandis que son ex-épouse n’arrive pas à l’oublier. Paris, début des années 70, une femme décide de sacrifier sa vie pour élever son enfant trisomique et n’accepte pas de partager avec une autre l’amour de son fils. On s’y perd, mais peu à peu, le cinéaste pose ses jalons et les connexions se font entre les deux histoires pour que finalement les deux fils narratifs se rejoignent entre la métaphore et le rêve.

Ces deux temporalités cohabitent en harmonie grâce donc à l’utilisation subtile de la musique. Hypnotique, lancinante, elle rythme Café de Flore du début à la fin. Jean-Marc Vallée lui donne une vraie fonction dans son récit, celle de relier des êtres qui s’aiment. La première accroche entre les deux récits se fait par un morceau qui donne son titre au film : « Café de Flore ». Ce titre hante l’esprit d’Antoine, le dj montréalais, lui rappelle son ex-femme, alors qu’il fait danser Laurent, l’enfant trisomique, dans son école parisienne au début des années 70. Cet hymne devient le cœur du récit grâce à son utilisation sous deux versions différentes : la Big band et l’électronique.

Jean-Marc Vallée rappelle également qu’il n’est pas seulement un bon metteur en musique, mais aussi un bon réalisateur. Sa manière de filmer est soignée, emprunte de poésie, sans jamais être précieuse. A ceci, il faut ajouter qu’il a de très bonnes idées de mise en scène, comme dans cette scène au début où à l’aéroport, Antoine s’éloigne de dos alors que peu à peu le focus se fait sur un groupe d’enfants trisomiques, le tout sur le morceau « Breathe » des Pink Floyd. On ne comprendra le rapprochement qu’à la fin du film.

Enfin, le casting est également à félicité, le cinéaste ayant su s’entourer d’acteurs livrant ici d’excellentes performances. Vanessa Paradis surtout, loin très loin des rôles auxquels elle est habituée, est bluffante en mère aimante, forte, dénuée de toute forme de séduction. Les autres protagonistes sont moins connus car canadiens, mais tous aussi bons. Kevin Parent, le chanteur, est aussi viril que perdu entre la lumineuse Evelyne Brochu et l’ex-explorée Hélène Florent.

Le résultat final, déroutant, peut être déstabilisant. Café de Flore est en tout cas un petit bijou onirique où Jean-Marc Vallée fait le portrait de l’amour en musique plutôt qu’en image. Un genre de cinéma auquel, on n’est pas tellement habitué.

Titre original : Café de Flore

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 120 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Ascq 44 : les martyrs du Nord

Ascq 44 : les martyrs du Nord

Quatre-vingt ans après le massacre par de jeunes Waffen-SS de 86 civils dans le village d’Ascq près de Lille en avril 1944, Germain et Robin Aguesse donnent la parole à quatre témoins, enfants ou adolescents à l’époque. Au récit précis des faits ce film ajoute le portrait de trois femmes et d’un homme qui ont dû, chacune ou chacun à sa manière, surmonter un évènement profondément traumatique.

10 films d’Hitchcock restaurés de ses débuts ou la quintessence d’un style naissant

10 films d’Hitchcock restaurés de ses débuts ou la quintessence d’un style naissant

Durant les années 20, l’industrie du film britannique est atone et inconstante; accusant un sérieux déficit de productivité. Elle est battue en brèche et surtout battue froid par l’usine à rêves hollywoodienne érigée en modèle insurpassable de production. Grâce à son oeil cinématique affûté, Alfred Hitchcock va lui insuffler un nouvel élan créatif ; s’affranchissant progressivement des contraintes de production et de la censure. Une carte blanche est accordée à ce « wonder boy » défricheur pour sortir le cinéma britannique de l’ornière commerciale dans laquelle il paraît englué. Elle s’exprimera au travers d’une dizaine de films précurseurs. Retour de « manivelle » sur The manxman et Chantage..