Fran est de passage dans sa ville natale pour se reposer et rendre visite à sa mère. Suivant le rythme saccadé du Boléro, ce parcours sur les chemins du souvenir et du désir va le mener, ainsi que tout le village, à une apothéose joyeusement chaotique. Noir écran, au son, nous entendons le public s’installer dans une salle de spectacle alors que la sonnerie retentit. Sur une scène sans aucun fond ni décor, un danseur, filmé progressivement des pieds à la tête, habillé et maquillé comme une danseuse, les gestes tendus mais vifs, les pieds claquant le sol, débute une chorégraphie au son du Boléro de Ravel. Puis, de manière inattendue, par un montage cut, nous nous retrouvons près d’une forêt, à travers laquelle l’homme et sa mère conduisent. Il devrait revenir les voir plus souvent, dit-elle. Le danseur rencontre un problème de panne de voiture. Sa sœur, appelée par leur mère, arrive, puis repart avec elle, mais sans Fran, le fils, qui doit repartir rapidement. Fran part à pied dans la forêt pour arriver ensuite dans un centre commercial dont les toilettes serviront de lieu de répétition pour le danseur.
Ce court-métrage développe plusieurs niveaux de lecture avec un dénominateur commun : la tension. Tension du corps de Fran (pieds et mains), tension familiale, tension sensuelle, voire érotique (Fran et sa chorégraphie impromptue dans les toilettes suscitant l’intérêt voire l’attirance d’un public voyeuriste, humant ou regardant par-dessus la porte des cabinets). Tension du montage, du son, des répliques de Fran. Tandis que Fran danse, tournoie, les spectateurs de cette scène incongrue arrivent de plus en plus nombreux aux abords de ce water-closet débordant d’art et de désir, semblent se mettre en transe, puis finalement emportent le corps du danseur (moment christique, sulpicien) vers une fin sexuelle et bucolique.
Filmé majoritairement en plans moyens et rapprochés avec une attention toute particulière sur les visages, les mains, les pieds, les profils, Boléro capte également avec subtilité les sons de la nature comme les halètements du public captif. Le protagoniste nous rappelle l’ange de Théorème attisant les envies de toute une famille, un autre scène évoque Fellini, le final Bruno Dumont. La nature érotisée, notamment par la présence des préservatifs, puis des couples enlacés, devient un havre des corps. Un court-métrage exaltant la sensualité, l’art et l’humour, à regarder avec vitalité et plaisir. Un film libre. Un poème. Un chant d’amour.