A Second Chance

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Après deux incursions anglo-saxonnes, retour à la langue danoise pour Susanne Bier : un film renouant avec la singularité de ses premiers films mais très inégal.

Le cinéma de Susanne Bier s’est transformé au gré de ses récentes incursions anglo-saxonnes (Nos Souvenirs brûlés (2008), Love is all you need (2012) et plus récemment Serena (2014)). Il faut le reconnaître, pas vraiment en bien, sa singularité cinématographique se dissolvant au profit d’une image homogène d’un septième art convenu et peu personnalisé. Avec une constance cependant, toujours à son avantage : une forme d’obstination interéssante dans l’exploration des ambivalences, dérèglements et opacités de l’être humain rendues visibles à l’épreuve de situations portant en elles les plus fortes possibilités de démesure (violence, deuil, passion). Dotée d’une sensibilité originale et d’une réelle acuité, la réalisatrice danoise a donc su construire des films aux chassés-croisés subtils concernant ces préoccupations. Parmi ceux-ci, After the wedding (2007) demeure sans doute à ce jour sa plus grande réussite. Aussi, il est dommage lorsqu’on possède un regard précieux comme le sien de le démobiliser au profit d’une vision qui correspond à des milliers d’autres soit aucune en particulier…
Son dernier film A Second chance, qui marque un retour à la langue danoise, se trouve dans le difficile équilibre entre un juste retour à l’identité de ses premières oeuvres et un académisme bon teint inhabité qui perdure à l’instar du raté Serena (2014). A ce titre, la figure phare du long métrage, qui s’incarne en la personne de Nikolaj Coster-Waldau (devenu célèbre en interprétant Jaime Lannister dans la série Game of Thrones) présente les deux faces de son « nouveau » cinéma, oscillant entre des percées commerciales qui laissent sceptiques et un cinéma d’auteur digne de ce nom. L’acteur danois, ici dans le rôle d’un père confronté à l’impensable – la subtilisation d’un bébé pour « remplacer » le sien – livre un jeu tour à tour épuré et introspectif, puis franchement inexpressif, à la jolie plastique perçue comme trop lisse.
La diégèse qui forme ici l’armature du film n’a pourtant rien de lisse. Elle est même assez glissante, comme en rend compte l’atmosphère visuelle étrange de l’oeuvre (lumières froides, nocturnes, décors cliniques). Suivant son souhait de questionner de difficiles choix moraux ainsi que les présupposés erronés pouvant être ancrés en chacun de nous, la réalisatrice échafaude un récit en forme de chiasme : fraîchement parents, un couple bourgeois et aux apparences idéales se révèle porter en eux les germes de la destruction de leur bébé. Ils se scandalisent pourtant de cette destruction au contact d’un couple de toxicomanes eux-mêmes nouveaux parents et de fait considérés comme socialement incapables et illégitimes. Enseveli sous un ensemble de scènes gênantes (la mort d’un bébé, les conditions de vie de l’autre) voire excessives et dont on se pose la question de l’utilité, le terrain d’investigation sur lequel s’engage Susanne Bier apparaît rapidement bouché. Confondu par un fonds de névroses ou traumatismes psychiques dont la réalisatrice a le secret et qui prend vie à travers le personnage d’Anna (inquiétante Maria Bonnevie), la femme d’Andreas, le film souffre de son mélange de drame psychologique à la danoise et d’un procès social souterrain. Susanne Bier évoquait le tournage d’A Second Chance en disant que « les acteurs ont été amenés à quitter leur zone de confort ». On aurait souhaité que cette prise de risque retentisse davantage sur le résultat final, l’issue du film laissant un goût de pêché absous à peu près tranquillement dans un confessionnal bien trop ornemental.

Titre original : En chance til

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Durée : 102 mn


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