A l’abordage

Article écrit par

Rencontres d’été.

Après son long-métrage en deux temps, Contes de juillet, et son dernier documentaire, L’Île au trésor, Guillaume Brac prolonge le soleil de l’été avec son nouveau film, À l’abordage, diffusé dans un premier temps sur Arte en attendant la sortie salle qui avait été reportée suite à la fermeture des cinémas due au Covid-19.

L’histoire est celle de Félix (Éric Nantchouang), un jeune homme qui tombe amoureux d’Alma (Asma Messaoudene) lors d’une soirée parisienne. Le lendemain, Félix décide, avec son ami Chérif (Salif Cissé,) de rejoindre Alma dans la Drome sans la prévenir.

Comme Contes de juillet, À l’abordage est né de la collaboration entre le cinéaste et les comédiens du Conservatoire national supérieur d’art dramatique autour desquels se sont construits un récit, des personnages, des rencontres. En résulte la fraîcheur et la spontanéité caractéristique du cinéma de Brac, qui atteint ici une saveur apothéotique puissamment réjouissante. La musicalité des dialogues, l’énergie des interprètes, le tout accompagné par la tendre caméra du cinéaste : une douce insouciance émane d’À l’abordage.

 

Cette insouciance provient également de ces personnages toujours en quête, consciente ou non, de vitalité, de sensation et d’émotion. Ici, un amour déceptif, l’éphémérité d’une rencontre ou l’impossibilité de la communication ne sont pas des fatalités, ou plutôt, c’est en réaction à cette fatalité, véritable moteur de l’action, que le pas vers l’autre devient nécessaire. L’incandescence des personnages de Brac vient de là : l’insouciance y est traitée comme une mission, un devoir, en réponse à la peur du vide et de la solitude.

Il y a ainsi, conjointement à sa légèreté, une douce mélancolie qui parcourt les rives du cinéma de Guillaume Brac. Une peur de l’abîme complétée par un portrait de la France où les inégalités sont de plus en plus marquées, les cases plus définies et renfermées que jamais. La discussion sur les écoles de commerces, le « je ne suis pas leur genre ? » de Félix vis-à-vis des parents d’Alma ou encore le déménagement de la famille d’Héléna de Stains parce que « ça craignait trop » : autant d’indices d’un fossé social qui parcourent le récit et agissent comme une menace latente sur les relations entre les personnages. Mais Guillaume Brac est un cinéaste de la rencontre. Ainsi, si À l’abordage s’inquiète de ces enjeux de classes, ce n’est définitivement pas dans une quelconque envie de tract, mais plutôt pour questionner la proximité des individus aujourd’hui en France, et finalement la possibilité de leur rencontre.

Ainsi, plus que jamais, ce nouveau film témoigne du vif humanisme de son cinéaste, encore une fois conjugué avec une poésie et un romanesque diffus d’un éclat contagieux. Un air de musique qui provient de la rivière, le jeu solaire d’Éric Nantchouang ou encore l’enchevêtrement, heureux ou non, des parcours et des rencontres, sont autant d’éléments qui, malgré son économie de moyen et l’épure de sa mise en scène, viennent transformer À l’abordage en un véritable conte d’été réjouissant et touchant.

Réalisateur :

Acteurs : , , , ,

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 95 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.