Financé en partie par une campagne en ligne de crowdfunding, servi par un casting de rêve avec, entre autres, Paul Hamy, Pascal Greggory et Gaspard Ulliel, récompensé par le Prix de la Meilleure réalisation au festival de Locarno en 2017, ce nouveau film de F.J. Ossang a pourtant tout du produit made in Saint-Germain-des-Prés. Un film un peu nonchalant, un peu chaotique, post-apocalyptique bien sûr, lorgnant vers le célèbre Alphaville de JLG (1965) sans parvenir à le dépasser, ni même à l’égaler. Dans son noir et blanc un peu crasseux, on dirait parfois qu’on est projeté dans le clip de Cargo d’Axel Bauer (1984), ou dans une nouvelle version de L’Atalante (Jean Vigo, 1934) sous antidépresseur. Déjà, en 2011, nous avions été quelque peu perplexes devant Dharma Guns (F. J. Ossang, 2010) qui s’était retrouvé en compétition à la Mostra de Venise, on ne sait pas trop pourquoi. S’il est de mise de s’ébaubir devant l’esthétique punk de ces films mal fagotés, il nous sera peut-être autorisé de rester quelque peu sceptique quant à l’utilité et la finalité d’un tel cinéma qui fonctionne vraiment, comme l’art contemporain, sur le conceptuel. C’est dire qu’il faudrait accompagner le film d’une notice explicative pour tenter d’y voir un peu plus clair.
Un scénario un peu abscons
Ce ne serait encore pas trop grave si le film présentait un quelconque intérêt, mais il faut malheureusement faire observer qu’il est assez mal interprété, comme si les comédiens attirés dans ce traquenard par la notoriété du réalisateur (auteur, vidéaste, chanteur, etc.) ne savaient pas trop ce qu’on leur demande de faire. C’est notamment le cas pour les deux actrices du film, Lisa Hartmann et Elvire (découverte dans Dharma Guns), qui ressemblent plus à des potiches, cadrées de guingois, qu’à des actrices inspirées. Les acteurs sont-ils si mal dirigés, ou le scénario leur paraît-il particulièrement abscons qu’ils n’osent pas le dire. C’est tout le mystère de ce cinquième long-métrage d’un cinéaste qui se voudrait maudit, et qui puise dans la punk attitude, maintenant un peu dépassée, une imagerie volontairement outrancière, mais surannée.
Le mystère d’un film
Entre polar, film noir et science-fiction, 9 doigts reste un mystère et se donne à voir comme un ovni. C’est peut-être en ce sens qu’il acquiert son statut d’œuvre d’art, mais pose bien sûr la question récurrente de l’utilité du cinéma qui devrait être, en fait, accessible à tous et narratif. On reste sur sa faim, « entre sang et os » comme certains biographes tentent d’expliquer le pseudonyme de l’artiste.