Voix off

Article écrit par

Portrait de famille en mode mineur.

Il y a ces deux sœurs aux tempéraments opposés : Sofia, jeune mère fraîchement sortie d’un divorce, en quête de renouveau professionnel, et Ana, l’aînée quelque peu excentrique, qui sort d’un accouchement. Il y a leur père, homme secret, à propos duquel circulent de folles rumeurs, et qui prend exemple (!) sur Sofia pour trouver le courage de quitter leur mère. Il y a les enfants de Sofia, soumis au régime végétarien de leurs parents, et qui rêvent de pouvoir un jour goûter cette fameuse langouste qui, paraît-il, serait « meilleure que le sexe » (dixit Ana). Si Voix off est, on l’aura compris, le récit d’une chronique familiale, Cristián Jiménez s’intéresse avant tout aux relations duelles : un couple, deux sœurs, une fille et son père, une enfant et sa grand-mère – autant de variations où se cristallisent l’échange et le conflit, où se joue finalement l’unité toute entière de la famille. Comment communiquer ? Connaît-on véritablement ses proches ? Deux questions potentiellement passionnantes au cœur d’un film qui, pourtant, manque singulièrement d’attrait.

Engoncé dans une forme visuelle d’une platitude assez confondante, ce récit foisonnant de personnages semble se chercher lui-même pendant plus d’une heure, et ne parvient pas à trouver cet équilibre savant entre émotion et cocasserie (il suffit, sur ce terrain-là, de le comparer au phénomène Toni Erdmann pour mesurer toute la différence). Il faut attendre le dernier tiers pour que l’ensemble, par ailleurs mené par deux actrices très convaincantes, trouve un semblant d’unité, et que son titre prenne sa véritable résonance. Voix off reste au final un film éparpillé, aux intentions limpides mais au résultat brouillon, réduit à ne fonctionner que par fulgurances. Au fil de cette chronique douce-amère un brin anecdotique, quelques menus éléments retiennent l’attention : la présence sous-jacente mais continuelle de la nourriture, qui relaie de manière sensitive cette dichotomie inhérente à l’idée de famille (tiraillée entre la nécessité du lien, du partage, et une finalité plus individualiste) ; ou encore cette mise en perspective de la communication à l’ère d’internet, qui prend corps dans une scène aussi drôle qu’émouvante où la technologie se fait l’écrin d’une présence fantomatique dans les yeux d’une jeune fille qui vient de perdre sa grand-mère.

Titre original : Voix off

Réalisateur :

Acteurs : , ,

Année :

Genre :

Durée : 106 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

L’étrange obsession: l’emprise du désir inassouvi

« L’étrange obsession » autopsie sans concessions et de manière incisive, comme au scalpel ,la vanité et le narcissisme à travers l’obsession sexuelle et la quête vaine de jouvence éternelle d’un homme vieillissant, impuissant à satisfaire sa jeune épouse. En adaptant librement l’écrivain licencieux Junichiro Tanizaki, Kon Ichikawa signe une nouvelle « écranisation » littéraire dans un cinémascope aux tons de pastel qui navigue ingénieusement entre comédie noire provocatrice, farce macabre et thriller psychologique hitchcockien. Analyse quasi freudienne d’un cas de dépendance morbide à la sensualité..

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

Les derniers jours de Mussolini: un baroud du déshonneur

« Les derniers jours de Mussolini » adopte la forme d’un docudrame ou docufiction pour, semble-t-il, mieux appréhender un imbroglio et une conjonction de faits complexes à élucider au gré de thèses contradictoires encore âprement discutées par l’exégèse historique et les historiographes. Dans quelles circonstances Benito Mussolini a-t-il été capturé pour être ensuite exécuté sommairement avec sa maîtresse Clara Petacci avant que leurs dépouilles mortelles et celles de dignitaires fascistes ne soient exhibées à la vindicte populaire et mutilées en place publique ? Le film-enquête suit pas à pas la traque inexorable d’un tyran déchu, lâché par ses anciens affidés, refusant la reddition sans conditions et acculé à une fuite en avant pathétique autant que désespérée. Rembobinage…