Ville portuaire (Hamnstadt)

Article écrit par

Long métrage à la facture classique se rapprochant des films noirs américains des années 40, Ville Portuaire n’en demeure pas moins une œuvre forte et personnelle qui développe déjà nombres de thématiques chères au maître suédois. Berit, jeune femme torturée et trahie décide de se jeter dans le chenal de Göteborg. Celle-ci sera sauvée in […]

Long métrage à la facture classique se rapprochant des films noirs américains des années 40, Ville Portuaire n’en demeure pas moins une œuvre forte et personnelle qui développe déjà nombres de thématiques chères au maître suédois.

Berit, jeune femme torturée et trahie décide de se jeter dans le chenal de Göteborg. Celle-ci sera sauvée in extremis par un docker du nom de Gösta. Attiré par la jeune femme, il la retrouve lors d’un bal, l’invite et passe la nuit avec elle. Bien qu’ils tombent amoureux l’un de l’autre, Berit charrie un passé tellement lourd qu’il altère son jugement. La peur de s’engager dans ce qui serait une relation enfin heureuse, la conduit vers le semi mutisme (rare chez Bergman), le spleen d’une vie soumise et le peu d’estime de soi. A force de se fustiger, elle interpelle Gösta qui essaye, lui, de profiter de chaque moment passé avec elle. Cette recherche du bonheur dans l’esquisse d’une relation torturée, alimentera durablement le cinéma bergmanien.
Doté d’une narration linéaire, Ville portuaire se construit en suivant les recettes du polar psychologique. Son style nerveux (la scène de bagarre est aussi vive que percutante), ses personnages bien croqués, ses nombreux rebondissements et son « happy end » en demi-teinte, font de Ville Portuaire un film d’école à la maîtrise cinématographique remarquable.

Si le passé de Berit et ses conséquences sont retranscrits au cours des évènements qui se produisent, nous sentons à chaque plan l’importance du vécu. En ce sens Bergman fait du Bergman et nous offre dès 1948 les prémices d’un cinéma « humain » où chaque sentiment transparaît par le corps. La douleur, les craintes et les attentes sont si palpables chez Berit que nous souffrons littéralement avec elle. Cette utilisation du corps (grande importance du visage) atteindra des sommets dans Persona (1966) et Cris et Chuchotements (1972).

En grossissant le trait par difficulté de transcription des affres de la vie, Bergman donne sens à l’action, nuance juste ce qu’il faut les personnages secondaires (de la mauvaise mère au copain docker philosophe de la vie) et surtout magnifie une histoire d’amour semée d’embûches. Utilisant une seule fois le flash-back pour que Berit raconte à Gösta son histoire, le cinéaste insiste sur le besoin de dépasser ce passé qui la contraint à s’emmurer afin de protéger les autres. La peur de la solitude est alors abordée… et le sera pendant plus de 45 ans. Si la vie s’acharne, blesse autrui et rend plus que hasardeux le partage, elle reste une force incroyable pour surmonter toutes les épreuves. Alors que tout semble désespéré, Bergman sauve son couple et l’envoi vers de nouveaux combats.

Titre original : Hamnstadt

Réalisateur :

Acteurs : , , , , , ,

Année :

Genre :

Durée : 100 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Trois films de Pietro Germi sur fond de terre brûlée sicilienne

Pietro Germi figure un peu comme un outsider ou, en tous les cas, le mal aimé du cinéma italien de l’âge d’or. Et les occasions de réhabiliter son cinéma enclin à la dénonciation sociale jugé parfois moralisant et édifiant mais toujours captivant et divertissant ne sont pas légion. Le distributeur Tamasa vient de pourvoir à cette injustice en sortant trois films invisibles en versions remasterisées.

Je suis un fugitif

Je suis un fugitif

Dans ce film glauque au pessimisme foncier, quasi ignoré et pourtant précurseur, Alberto Cavalcanti exhibe un monde sans héros; uniquement peuplé de manipulateurs veules et sournois, de malfrats sans foi ni loi, de femmes fatales, de harpies, de mégères ou d’épaves à la dérive. Ce film noir s’inscrit dans la lignée des nombreux films spiv britanniques, un sous-genre qui fit florès dans l’immédiat après-guerre. Redécouverte…

Déserts

Déserts

Au Maroc, lorsque que vous ne remboursez pas vos dettes, vous risquez de voir débarquer deux agents de recouvrements en costume criard, bon marché mais toujours impeccable. Mehdi et Hamid, entre menace et arrangement, arrachent ainsi aux pauvres ce qu’ils ne peuvent cacher, travaillant à rendre le désert encore plus désert, jusqu’à se trouver eux-mêmes coincé par une histoire de vengeance qui n’est pas sans rappeler un scenario de western.