Very Bad Trip 2

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Une fois ça va, deux fois faut être sacrément bon pour assurer. Passez à la caisse, y a rien à voir !

Si certains films – beaucoup même – s’attèlent à faire oublier qu’un film est aussi un produit jeté au cœur d’un marché via un circuit économique, en tentant par exemple de rendre ce produit attrayant, plaisant, drôle, émouvant, intelligent… donc de lui donner un goût et une saveur – ce qui est quand même le minimum pour ce que l’on a coutume d’appeler un film grand public, dans ce que ce terme peut avoir de plus noble –, force est de reconnaître que d’autres n’ont pour visée que notre portefeuille. Que se passe-t-il lorsque producteurs, réalisateurs, scénaristes, acteurs, etc. ne prennent même plus la peine de dissimuler le seul but véritable du produit qu’ils mettent en place – soit faire de l’argent, par millions si possible ? Deux possibilités : ou ils parviennent à légitimer leurs ambitions lucratives en la reportant sur le film lui-même, qui s’offre alors comme un métafilm faisant de son contexte de production la matrice même du produit ; ou bien ils tentent de duper leur spectateur en lui faisant croire à un contenu inexistant et donnent à ce dernier l’impression de le prendre au mieux pour une vache à lait, au pire pour un abruti consentant.

Le premier cas, c’est par exemple Ocean Twelve de Steven Soderbergh (2004). Jouant sur le succès d’Ocean Eleven (2001), il relance la machine, notamment en vue de pouvoir financer des projets plus difficiles à monter (Bubble, 2006). Ocean Twelve brisait l’artificialité de l’entreprise en en faisant un enjeu narratif. Cette dernière était ainsi constamment mise en avant par un procédé de boucle et de confusion entre le fictionnel et le réel (l’interaction stars incarnant les personnages, stars jouant leurs propres rôles et stars jouant le personnage de la série jouant la star réelle) faisant du film un objet clos sur lui-même, mais qui s’associait la complicité de son spectateur tout du long. Révélant la tromperie, il invitait son public à jouer avec lui et à en rire. On peut être totalement réfractaire au dispositif, mais celui-ci a au moins le mérite de ne tromper personne, d’être une proposition menée de main de maître et d’offrir un bon moment de rigolade. (1)


 
Very Bad Trip 2 – ou "Très Mauvais Voyage 2" – appartient malheureusement à la seconde catégorie. Surfant sur le succès de Very Bad Trip (2009), il en rejoue à la lettre, à la réplique le scénario avec un manque d’inventivité et de qualité même pas dissimulé. Là où Very Bad Trip avait pu marquer par une structure narrative originale et un humour largement potache et très modérément subversif, ce "Très Mauvais Voyage 2", toujours réalisé par Todd Phillips, n’offre rien de plus que la constatation que tout le monde est là pour s’en mettre plein les poches. C’est donc la même histoire qui se rejoue : un enterrement de vie de garçon qui tourne mal, la perte d’un larron et la nécessité de reconstituer la nuit tragique pour retrouver le poto et rentrer fissa au mariage. Very Bad Trip s’attaquait aux codes de films de genre via des situations abracadabrantesques (le réveil dans un lieu inconnu, sans souvenir de la nuit passé, mais avec comme compagnons un bébé et un tigre), sources de comique. "Très Mauvais Voyage 2" fait de son prédécesseur un modèle à appliquer qui, paradoxalement, subit les codes précédemment détournés par leur application mécanique. Si, comme dans tout deuxième tome d’une série, il y a de légères déviations du système (assez légères tout de même : le bébé disparaît, le tigre se transforme en singe, l’un des personnages secondaire est momentanément rejeté du scénario), le film est surtout l’occasion de retrouvailles et de l’intronisation d’un nouveau personnage.

Very Bad Trip
faisait de sa structure narrative sa force et le monteur du film. "Très Mauvais Voyage 2" peine considérablement à établir un schéma global, une vue d’ensemble au-delà de deux séquences, nécessitant alors le recours tous les quart d’heure environ à un ressort scénaristique archi artificiel pour relancer la machine. A trop appliquer la recette pourtant originale du premier, le film subit sa mécanique et ne fait que l’étalage de ses faiblesses : un exotisme de pacotille, une lourdeur qui n’est plus rattrapée par l’originalité et la finesse du dispositif, une absence de scénario et des tics répétitifs. Si le tout début laisse pourtant présager – notamment par la mise en avant par tous les personnages de tout ce qui est socialement proscrit en public – un plutôt bon moment, tablant vite sur la répétition et l’absence totale de prise de risque, le film s’effondre sur lui-même tel un château de carte sans recul ni critique, ni ironique. Ne reste donc que l’objet à vendre, l’objet purement lucratif pour l’ensemble de ses participants et l’absence de considération minimum pour son destinataire. A l’image de la fin du film, quand on se félicite de ses histoires de vomi et de beuverie, il n’y a plus d’espoir.
 
(1) Ocean Thirteen quant à lui s’offrait comme un remake malicieux d’Ocean Eleven ET Twelve.

Titre original : The Hangover 2

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Durée : 110 mn


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