Vedette

Article écrit par

Vedette est une vache, mais pas n’importe laquelle. Il faut la voir pour le croire.

Vache sacrée ou sacrée vache ?

Ce documentaire est vraiment magnifique et magique. Après l’avoir vu, on comprend mieux pourquoi la vache est un animal sacré chez les Hindous. Vedette est une vache, mais pas seulement. Vedette est un personnage que les deux réalisateurs ont adoré filmer. Vedette est une reine, elle a son petit caractère, elle fait un peu peur à la voisine, mais c’est aussi une bonne pâte qui mourra en paix, dans sa grange après quelque trois ans de vie et après avoir donné naissance à un nouveau jeune veau. Car Vedette a vieilli, hélas, même si elle a été la reine des reines à l’alpage. Pour lui éviter l’humiliation d’être détrônée par de jeunes rivales parce que Vedette la fière et digne vachette ne le supporterait pas, nos voisines nous la laissent tout un été. C’est là que nous avons découvert que toute vache est unique. Toute vache est unique, toute vache est super belle et photogénique. Et Vedette par-dessus tout est attachante. Quand Claudine lui fait la lecture dans son étable en pleine montagne suisse, on dirait qu’elle écoute et qu’elle comprend. Elle semble même blâmer ce pauvre Descartes avec sa théorie des animaux machines.

 

La vitalité et la force de Vedette

Mais si Vedette rumine, ce n’est pas par ressentiment. Vedette en fait elle s’en fout de la politique et des œillères des gens du vaste monde. C’est une vraie force tranquille, elle. Le film est le récit d’une vie qui nous amuse parfois, nous émeut souvent et se clôt sur un plan d’une beauté rare et grave. Les deux propriétaires, après avoir assuré partout qu’elles ne mangeraient jamais de leurs vaches après leur mort, confessent qu’elles ont finalement mangé Vedette après l’avoir fait euthanasier car sa maladie était incurable, sans doute la vieillesse des vaches, aussi tragique que celle des humains. Et cette chair qu’elles ont fait découper par le boucher qui a tout placé ensuite dans des petits sachets, est comme une manière pour les deux bergères de s’attribuer la force, la vitalité et la grâce de Vedette.

On ne t’oubliera jamais

C’est une fin d’ailleurs assez inattendue en période de véganisme et de végétarisme. Vedette va continuer à vivre à travers elles, un peu comme par un effet de transsubstantiation. Pas très logique, pas trop chrétien non plus, mais qui nous dit que l’animal n’a pas une âme lui aussi, si l’homme s’en est attribué une et une belle et grosse quant à lui, lui qui vole tout sur cette planète. En tout cas, après avoir suivi la belle Vedette noiraude, on peut en être persuadé qu’elles ont un esprit en tout cas. On peut même être certain qu’on n’oubliera jamais sa démarche, ses beaux yeux profonds, et ses facéties lorsqu’elle cesse de ruminer pour avaler presque en entier les baguettes rassises que sa voisine lui offre non sans avoir vaincu ou dissimulé sa peur ou sa timidité. A quoi elle pense, dis, la vache quand elle nous regarde comme ça ? Une merveille de film qui donne la pêche, la gnaque et le moral.

Réalisateur : ,

Année :

Genre :

Pays :

Durée : 100 mn


Partager:

Twitter Facebook

Lire aussi

Journal intime

Journal intime

Adapté librement du roman de Vasco Pratolini, « Cronaca familiare » (chronique familiale), « Journal intime » est considéré à juste titre par la critique comme le chef d’œuvre superlatif de Zurlini. Par une purge émotionnelle, le cinéaste par excellence du sentiment rentré décante une relation fraternelle et en crève l’abcès mortifère.

Été violent

Été violent

« Eté violent » est le fruit d’une maturité filmique. Affublé d’une réputation de cinéaste difficilement malléable, Zurlini traverse des périodes tempétueuses où son travail n’est pas reconnu à sa juste valeur. Cet été
violent est le produit d’un hiatus de trois ans. Le film traite d’une année-charnière qui voit la chute du fascisme tandis que les bouleversements socio-politiques qui s’ensuivent dans la péninsule transalpine condensent une imagerie qui fait sa richesse.

Le Désert des tartares

Le Désert des tartares

Antithèse du drame épique dans son refus du spectaculaire, « Le désert des Tartares » apparaît comme une œuvre à combustion lente, chant du cygne de Valerio Zurlini dans son adaptation du roman éponyme de Dino Buzzati. Mélodrame de l’étiquette militaire, le film offre un écrin visuel grandiose à la lancinante déshumanisation qui s’y joue ; donnant corps à l’abstraction surréaliste de Buzzati.