Tous les soleils

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Si Philippe Claudel semble posséder un certain talent pour l´émotion, son second film donne véritablement l´impression de prendre le spectateur pour un imbécile.

« Tout cela peut paraître un peu intellectuel ».

C’est l’une des premières phrases prononcées dans le film. Alessandro est professeur de musique à l’université. Il termine une explication à la fois simple et intéressante de la tarentelle italienne à ses étudiants par ce « Tout cela peut paraître un peu intellectuel. » symbole de tout le film. Anecdotique peut-être, mais quand ce type de phrase suit une explication pourtant limpide, c’est à se demander la confiance que porte le réalisateur en ses spectateurs. Voici donc un film qui se défend volontairement d’être intelligent. Quelques séquences plus tard, Alessandro dansera la tarentelle sur son bureau sous les applaudissements de ses élèves. Ça au moins ne lui paraît pas trop intellectuel. Apparemment être intelligent, c’est chiant, il faut donc gommer toute trace de ce fléau pour ne pas trop déranger le spectateur dans son demi-sommeil de salle obscure ou plus probablement de canapé.

Tous les soleils est un film qui ne demandera donc rien, absolument rien à son spectateur. Très vite les enjeux narratifs sont clairement explicités et même largement martelés. Le film est une sorte d’immense autoroute, une ligne droite sans embûches bordée de panneaux indicateurs. Impossible de manquer la sortie, une balise clignotante revient tous les cent mètres. A votre droite, la Cité de Carcassonne. Sur votre gauche, papa doit trouver l’amour. PA-PA DOIT TROU-VER l’A-M-O-U-R ! Un film dans lequel les ados parlent comme des manuels de psychologie et où la vérité sort toujours de la bouche des enfants – qui ont des problèmes cardiaques tant qu’à faire, ça fait plus sage et c’est touchant.

Papa est veuf et donc constamment sur le dos de son ado de fille et de son exilé politique de frère. L’amour et les annonces internet semblent la solution idéale pour les deux comparses afin de se débarrasser du père/frère envahissant et accessoirement faire son bonheur. Le ton est celui de plus en plus courant de la franche comédie qui exalte les vraies valeurs de la vie (l’amour, l’amitié, le bon vin…) mais dont la simplicité affichée s’entache systématiquement de vulgarité. En effet, quoi de mieux que des allusions sexuelles sans finesse pour détendre l’atmosphère ? Sous couvert de comédie, c’est une condescendance énorme qui est de mise. Envers quoi ? Envers tout : les CRS, la postière (reflet de ces « petites gens » gentils mais un peu bêtes quand même), les artistes forcément conceptuels et stupides, les étrangers avec leur p… de noms compliqués et qui en plus ne boivent pas de vin… Une condescendance qui n’est peut-être pas volontaire, mais à force de tout regarder avec ironie, il ne reste que l’aigreur.



Tous les soleils confirme ce qui était sous-tendu par le premier film de Claudel. Il y a longtemps que je t’aime (2008) avait divisé la critique entre défendeurs du bon petit film émouvant et attaques envers une manipulation du spectateur dans une sorte de pornographie émotionnelle. Si Claudel possède quelques talents pour susciter l’émotion et une agilité pour saisir les visages, son précédent film – loin d’être mauvais – ne tenait véritablement que par le talent de ses interprètes (Scott-Thomas et Zylberstein). Ici Anouk Aimée et Clotilde Courau n’empêchent pas le naufrage, mais viennent offrir quelques respirations salutaires. La première donnerait grâce et élégance à la lecture du bottin tandis que la seconde surprend par un talent jamais véritablement senti jusqu’alors. Pourtant affublée de dialogues désolants, Courau apporte quelques embellies au film, à croire que son passage au théâtre l’aura révélé comme comédienne. Malgré leur talent, c’est plus qu’insuffisant au sein d’une œuvre démagogique qui se noie dans le vulgaire et le convenu.
  
Philippe Claudel avance avec une volonté claire de faire un film qui rend heureux, qui fait du bien. C’est la grande mode en France : ces films de potes ou générationnels où le casting est réuni dans le dernier plan dans la joie ou dans la douleur pour communier avec le spectateur (étonnamment Tous les soleils comme le récent Les Petits Mouchoirs se terminent à l’église). Dans une volonté pourtant louable de faire un cinéma populaire, de plus en plus les réalisateurs (les derniers Boon ou Klapisch…) ne parviennent qu’à faire un cinéma aliénant qui se défie de toute possibilité d’intelligence de peur d’effrayer le spectateur. Un cinéma désespérément lissé, facile à diffuser entre deux pubs, qui fait autant de bien qu’un bon laxatif. Mais à force de prendre le spectateur pour un abruti, celui-ci finira bien par cracher sur l’écran.

Titre original : Tous les soleils

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Durée : 105 mn


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