Toi non plus tu n’as rien vu

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Le déni de grossesse pour les Nuls !

Le déni de grossesse

Inutile de le cacher plus longtemps, ce film est une sorte de plaidoyer pour défendre les femmes qui se retrouvent souvent infanticides à la suite de leur déni de grossesse. C’est un sujet grave, rarement abordé au cinéma et, bien sûr, pas franchement glamour. D’où la nécessité de lui donner l’allure d’une enquête policière doublée de débats houleux au tribunal. C’est le choix de Béatrice Pollet, diplômée de l’Ecole Louis Lumière dont c’est le deuxième long-métrage après des courts-métrages de fiction et des documentaires pour la télévision. Certains pourraient lui reprocher de ressusciter le cinéaste tant décrié, André Cayatte, qui faisait du cinéma souvent judiciaire et d’autres pourraient tenter aussi une comparaison avec un autre film qui parle de maternité refusée, Le sixième enfant de Léopold Legrand, même s’il ne s’agit pas vraiment de la même problématique. Dans Le sixième enfant, il s’agit pourtant aussi d’un milieu éduqué comme on dit : elle est avocate aussi – tout comme les deux femmes de Béatrice Pollet – et ne peut avoir d’enfant. Elle franchira le Rubicon en acceptant de faire semblant de porter l’enfant d’une autre femme qui en a déjà trop. L’une est dans le déni de culpabilité et l’autre dans le déni de maternité. 

Une enquête judiciaire

Béatrice Pollet se défend en disant qu’elle a mis longtemps à écrire son scénario en se basant sur une histoire vraie, et qu’elle l’a écrite avec l’aide d’avocats, de psychologues et de médecins gynécologues. En croyant agir ainsi pour la défense de la vérité et éviter d’être attaquée, elle n’a, en réalité, fait que bloquer son propre imaginaire et elle ne nous propose plus qu’une sorte de énième téléfilm alors qu’elle aurait eu le talent d’aller beaucoup plus loin. Mais on peut la comprendre : le déni de maternité, que personne ne comprend vraiment et qui constitue un vrai mystère à la fois médical et social, ne peut qu’attirer des haines et des rancoeurs. D’ailleurs la plupart des femmes qui en ont été victimes ont, dans un premier temps du moins, été arrêtées, suspectées, emprisonnées et jugées, ce qui semble particulièrement injuste. 

Le mystère de la maternité

Il y a nombre de films sur la grossesse, mais celui-ci a la particularité d’aborder un thème qui ne l’a jamais été ou très rarement. Malheureusement, le fait d’avoir choisi une sorte de réquisitoire lui enlève un peu de sa personnalité et se transforme vite en film féministe pourtant très efficace, sans blabla et avec un pathos très maîtrisé. Deux zones d’ombre pourtant au tableau : la défense présente des radios qui ont été réalisées de la femme qui se plaignait de douleurs dans le dos et l’on voit nettement un foetus collé à la colonne vertébrale. Pourquoi le radiologue n’a-t-il rien dit ? Et l’autre question demeurée sans réponse est : pourquoi a-t-elle, après avoir accouché seule dans sa cuisine, placé le bébé sur le couvercle de la poubelle directement dans la rue ? Le film est cependant servi par un casting parfait : Maud Wyler dans le rôle de la mère accusée, Géraldine Nakache en avocate combattive et amie de la famille, Fanny Cottençon en belle-mère tendre et compréhensive et Grégoire Colin dans le rôle du mari qui, peu à peu, comprend et accepte ce grand mystère du déni. C’est d’ailleurs lui aussi qui donne son titre au film car il finit par se demander pourquoi lui non plus ne s’est pas rendu compte de la grossesse de sa femme alors que, en tant qu’ingénieur des forêts, il sait mesurer les ondes qui traversent les arbres de la forêt et il n’aurait rien senti concernant sa propre femme. Est-il lui aussi dans le même déni ? D’ailleurs, tout le film interroge les spectateurs eux-mêmes sur ce déni de maternité en commençant par un plan sur la mère se jetant en maillot dans sa piscine. Elle est à huit mois et demi de grossesse et personne ne voit rien. Quelques jours plus tard, pourtant, elle accouchera. « Le déni de grossesse traduit une fragilité psychologique que l’on ignore, déclare la réalisatrice dans le dossier de presse du film. Mais au lieu d’admettre qu’on ne sait pas, on préfère juger. Or pour juger il faut connaître. Je veux amener le spectateur à une vision sans préjugés, à saisir cette complexité incroyable et pourtant simplement humaine qu’est le déni de grossesse. »

Titre original : Toi non plus tu n’as rien vu

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Durée : 93 mn


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