The Visit

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Retour aux sources pour M. Night Shyamalan, à moitié réussi.

Depuis Phénomènes (2008), on redoutait que le cinéma de M Night Shyamalan n’ait perdu un peu de son inventivité. On aborde donc The Visit, son nouveau long métrage, en caressant l’espoir d’y retrouver l’auteur du Village (2003) plutôt que celui d’After Earth (2013). Des espoirs fondés car, sur le papier, Shyamalan semble opérer un retour aux sources. Un retour au cinéma d’épouvante qui avait constitué son succès 15 ans auparavant avec le désormais culte Sixième Sens (1999). C’est avec la Blumhouse Production, spécialisée dans les films d’horreur à micro budget (Paranormal Activity, 2009 ; American Nightmare, 2013 ; Insidious, 2011 …) qu’il fait le pari de donner un second souffle à sa créativité. Une économie qui laisserait plus de place, selon lui, à la spontanéité et lui permettrait de se concentrer ainsi sur les personnages. C’est donc armé d’un budget minime (5 millions de dollars) que Shyamalan s’essaye pour la première fois au found footage façon Projet Blair Witch (999) ; un sous-genre du cinéma d’horreur très en vogue en ce moment. The Visit prend donc la forme d’un faux film amateur : celui de deux adolescents, Becca et Tyler qui passent la semaine chez leurs mystérieux grands-parents avec qui leur mère célibataire a coupé les ponts quinze ans auparavant. Un séjour qui, on l’imagine bien, ne va pas se dérouler comme prévu …

Malheureusement, en tant que pur film d’horreur, The Visit se révèle assez faible. Agissant sur un terrain très balisé, Shyamalan cède rapidement aux exigences du genre et peine à en renouveler les formes. Les recommandations de départ des grands parents annonçant les « règles du jeu » (ne pas sortir de la chambre après 21h30, ne pas s’aventurer dans la cave …) installent le dispositif schématique du film d’horreur classique. On entre en effet dans la cohabitation traditionnelle jour/nuit ; la nuit étant l’espace de l’épouvante et le jour celui de l’enquête. De la même manière le dispositif localise spatialement les manifestations surnaturelles (dans la grange, dans la cave, derrière la porte …). Cette manière qu’a Shyamalan de délimiter les instants d’angoisse empêche de napper l’intégralité du film d’une tension latente et progressive. Cette faiblesse narrative rend chacun des effets prévisibles et désamorce par-là leur potentiel sensoriel. C’est pourtant précisément lorsque que la peur s’invite hors de sa zone qu’elle est la plus percutante. L’intrusion, par exemple, de la grand-mère dans une séquence de cache-cache en journée met enfin le dispositif en péril. La grand-mère, mutée en véritable monstre de cinéma, présente enfin une menace et terrifie dans une séquence haletante. Cette séquence reste cependant un sursaut dilué dans un film où la mise en scène manque d’inventivité et qui s’abandonne à trop de facilités scénaristiques (notamment dans un twist final peu surprenant qui ne relance que faiblement l’intrigue).

 


The Visit
n’est cependant pas dénué d’intérêt dès qu’il sort de sa dimension horrifique. En effet, grâce à des personnages très bien construits, et, malgré un surjeux agaçant aux premiers abords, les enfants s’avèrent très attachants. La relation entre Becca et Tyler est décrite avec délicatesse et un humour à ne surtout pas négliger. Car, si The Visit ne fait pas peur, il fait en revanche régulièrement sourire voire rire. The Visit n’est en effet jamais meilleur que lorsqu’il laisse place à ses personnages et à leurs interactions (improvisation de hip hop, disputes fraternelles, reportages commentés de Tyler …). Par leur dynamisme, les enfants portent le film et en modifient presque la perception. Le trouble entre l’horreur et l’humour ainsi posé, comment faut-il réagir à la vision de la grand-mère nue griffant un mur ? Ou encore à celle du grand père lançant une couche pleine des résultats de son incontinence dans la tête de Tyler ? Les gestes horrifiques prennent soudain des allures de gags burlesques et interrogent véritablement le film sur ses finalités. Pris donc entre le charme d’un drame familial et une incapacité à faire naitre l’angoisse, The Visit est un film boiteux. S’il ne signe pas son grand retour, M. Night Shyamalan démontre en tout cas avec ce film mineur qu’il faudra continuer à regarder ses prochaines productions d’un œil avisé.
 

Titre original : The Visit

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Durée : 104 mn


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