Voici une petite fille silencieuse qui a fait beaucoup parler d’elle, élogieusement. Nommé aux Oscar dans la catégorie des meilleurs films internationaux, Ours de cristal à la Berlinale, encensé par une bonne partie de la presse, The Quiet Girl vient adoucir notre rentrée. Dans l’Irlande rurale du début des années quatre-vingt, Cáit (Catherine Clinch), quatrième fille d’un couple miséreux et désuni, qui attend un premier garçon, va être envoyée pendant un temps chez son oncle et sa tante. Plus que son silence, c’est son invisibilité qui frappe. Dans la scène d’ouverture, alors qu’elle est interpellée par sa mère dans le champs où elle se promenait, seuls quelques indices vestimentaires indiquent sa présence dissimulée dans les herbes hautes ; un bout de chaussure, un semblant de vêtement : comme s’il s’agissait d’un corps sans vie. Peu après, dans l’esplanade où ses camarades de classe jouent, Cáit s’empresse de traverser l’aire de jeu pour disparaître derrière un parapet. À défaut de l’apprivoiser, le format 4/3 du cadre réussit le plus souvent à la priver d’échappatoire. Cette pression s’ajoute à l’autoritarisme de son géniteur, d’autant plus injuste que l’enfant de neuf ans est un modèle de respect.
La discrétion comme une cape de protection. Si la douceur des traits et la pureté de sa blancheur attirent la lumière comme rarement, la jeune fille baisse les yeux, détourne son regard pour ne pas solliciter l’attendrissement. Sa silhouette se fond dans le paysage, jusqu’au point de se confondre avec des éléments moins gracieux du décor, telle sa robe jaune avec la portière de la voiture lors de l’arrivée chez la cousine Ibhlín. Néanmoins; contrairement à ce que l’on pourrait hâtivement présumer, Cáit accepte sans réticence de partager son espace intime. Il faudra peu d’efforts à Iibhlín, un peu plus à son mari, Seán, pour ne faire qu’un avec la nouvelle arrivée. François Truffaut disait que rien ne sonnait plus faux à l’écran que de plaquer des paroles et des intentions d’adulte à un enfant. Une leçon parfaitement appliquée par Colm Bairéad qui laisse à l’enfant le soin de construire son propre regard sur l’existence.
En phase avec la nature – avec un faible pour la beauté des lumières et des reflets-, désireux de capter des gestes, des détails saisis sur le vif, le naturalisme, dans son sens le plus prosaïque et naïf qui soit, sert de toile de fond au drame qui se dévoile progressivement. L’utilisation du Gaélique dans la majorité des échanges participe de cet enracinement. Pour sa première réalisation, Bairéad n’évite pas le risque de se reposer sur le naturel de sa jeune comédienne – difficile de lui résister – et sur la nature de son sujet. Dans la dernière partie de son film, l’affection ne faisant plus de doutes, ostensiblement le rythme s’alanguit, des procédés – flashback, ralentit – visent trop l’émotion. Mais pas au point de briser le charme et la douceur de ce bel été irlandais. Par son ambition riche d’humilité, The Quiet Girl, se rapproche de Petite Solange (Axel Ropert, 2020) sans autant de maîtrise, certes, mais avec un bonheur certain. C’est peut-être le plus beau compliment à son endroit.
Sortie BLU Ray le 30 août chez CONDOR ENTERTAINMENT