Le véritable trouble, devant le film de Julian Goldberger, naît moins d’une quelconque puissance de mise en scène, de la proposition pertinente de suivi d’un récit singulier, que de son refus à s’engager jamais dans une direction esthétique identifiable. The Hawk is Dying a le défaut de ne jamais démarrer, ou plutôt de ne jamais finir de commencer. Nous exposant les étranges relations entre Georges, la quarantaine barbue (Paul Giamatti), garagiste célibataire, sa sœur et le fils autiste de celle-ci, l’histoire peine très tôt à excéder le stade de la « mise en place ». Se profile certes à l’horizon la perspective d’un destin plus ou moins sombre, l’idée que la relative quiétude de ce petit foyer de Gainsville (Floride) doit s’attendre à l’irruption d’un inattendu. Mais à ce pressentiment ne se mêle aucune réelle tentative de mise en scène, aucun positionnement susceptible de faire craindre cette irruption.
Non que The Hawk is Dying soit à proprement parler un film « vain », mais force est de reconnaître qu’à l’enclenchement du générique final peut naître un honteux sentiment de libération, répondant assez ironiquement à l’échappée finale de l’aigle. Filmer la douleur, le trauma d’un homme suite à la perte d’un être cher, aborder la question du deuil et des diverses manifestations délirantes qui s’ensuivent, appelle à davantage que la seule exposition de cette souffrance. Que Georges trouve en cet aigle le moyen de faire honneur à la mémoire du défunt aurait pu engager à un véritable choix, un débordement figuratif plus ou moins « baroque » surlignant cette obsession. Le manque évident de moyens du cinéaste ne justifie nullement sa prudence quant à l’approche d’un sujet a priori plus fantaisiste qu’il ne le montre ici. Difficile pourtant, malgré ces réserves, de se résoudre à un rejet radical : cette absence d’audace est surtout la marque d’une respectable (mais excessive) mesure, d’une humilité interdisant toute antipathie.