The Happy Prince

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Rupert Everett signe son premier long métrage en choisissant de raconter la descente aux enfers, la reconstruction, puis la fin de la vie de celui qui fut à la fin du XIXème siècle l’homme le plus adulé de Londres. Une originalité scénaristique qui annonce « The Happy Prince » comme l’une des réussites cinématographiques de cette année.

Beaucoup connaissent Oscar Wilde l’Ecrivain, peu cependant connaissent Oscar Wilde l’Homme. Et tout le talent du réalisateur Rupert Everett consiste à démarrer le film dans une continuité des biopics déjà existants.

En effet, l’histoire commence lorsque Oscar Wilde, dandy et écrivain de génie, brille au sein de la société londonienne. Toutefois, son homosexualité trop affichée pour son époque dérange et il est alors envoyé en prison. A sa sortie deux ans plus tard, il s’exile à Paris, ruiné et malade. C’est alors qu’au soir de sa vie, dans sa chambre d’hôtel miteuse, les souvenirs l’envahissent…

The Happy Prince est le titre d’un court récit qui fut publié par Wilde en 1888, et qu’il raconte à ses enfants au tout début du film. De façon symbolique, Wilde raconte à nouveau cette histoire sur son lit de mort quelques années plus tard, à deux enfants vagabonds rencontrés à Paris et qu’il a pris sous son aile. On se réjouit de découvrir un Oscar Wilde touchant, plein d’humour et de poésie sous les traits du réalisateur et scénariste lui-même, Rupert Everett. Dans un souci de représentation la plus réaliste mais également la plus naturelle possible, l’acteur/réalisateur manie à la perfection les belles phrases métaphoriques que Wilde affectionnait tant, tout en naviguant de l’anglais au français avec aisance. Et pour tout fan de l’auteur, c’est un régal pour les oreilles.

 

 

La déchéance de l’artiste nous est évoquée tout le long du film, sur un ton doux amer qui oscille entre désespoir et poésie. Cela se ressent dans les décors et la lumière : le chef-opérateur John Conroy (qui travailla notamment avec Tim Burton sur le film Sweeney Todd) s’attache à créer une atmosphère réaliste grâce à des plans filmés caméra à l’épaule et à des décors naturels. C’est ainsi que la personnalité à double tranchant de l’auteur nous est révélée : tantôt sombre quand il noie sa mélancolie dans un bar, tantôt gaie et éclairée lorsque celui-ci se remémore sa joyeuse vie opulente d’avant le scandale, à coups de flashbacks. Oscar Wilde et sa personnalité torturée nous sont donc livrés sans tabous, de ses moments d’égarement auprès de son amant Bosie (incarné par Colin Morgan) – à cause duquel il s’est pourtant retrouvé en prison – à ses soirées d’orgies avec des prostitués. Les scènes intimes sont cependant passées sous silence, celles-là même que Wilde appelle les « moments pourpres ». C’est ainsi qu’Everett nous ancre dans ce contexte, un contexte, on l’aura compris, où l’homosexualité est interdite (époque victorienne oblige), réussissant le tour de force de nous faire partager les humeurs de Wilde par l’image : de l’espoir quand il s’exile à Paris aux pensées sombres sur son lit de mort.

 

Un peu déstabilisé dans le premier quart d’heure du film par le jeu d’acteur outrancier mais finalement extrêmement représentatif du caractère excentrique d’Oscar Wilde, on se laisse finalement happer et charmer par le fabuleux talent de conteur du réalisateur.

On regrette cependant que la question de l’inspiration artistique ne soit pas davantage évoquée, sujet intéressant pour Wilde puisque ses écrits changèrent justement de tonalité après son passage en prison, de même que ses pensées qui devinrent plus sombres. La relation que l’auteur partage avec son entourage est également quelque peu balayée, bâclée : Colin Firth méconnaissable en Reginald Turner s’efface derrière son grand ami Wilde, tandis que Edwin Thomas, pour son premier rôle au cinéma en tant que Robbie Ross fasciné par l’auteur, aurait mérité de briller plus.

Rupert Everett signe donc une belle œuvre s’éloignant des clichés du simple biopic et nous livre avec sobriété et émotion la vie d’un homme qui passe de la lumière à l’ombre. On croirait entendre M. Wilde, lui qui disait qu’il « avait mis son génie dans sa vie plutôt que dans son œuvre »…Ici, c’est Rupert Everett qui semble avoir mis tout son génie dans cette œuvre.

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Durée : 105 mn


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