The Fountain

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En transposant au cinéma le mythe de la Fontaine de jouvence, plutôt réservé à la littérature jusque là, Aronofsky assure à The Fountain sa principale qualité : l´originalité. Son troisième film, après Pi et Requiem for a dream, est inclassable, trip expérimental et mystique à la narration déstructurée, débordant sur des questionnements parfois métaphysiques et […]

En transposant au cinéma le mythe de la Fontaine de jouvence, plutôt réservé à la littérature jusque là, Aronofsky assure à The Fountain sa principale qualité : l´originalité. Son troisième film, après Pi et Requiem for a dream, est inclassable, trip expérimental et mystique à la narration déstructurée, débordant sur des questionnements parfois métaphysiques et théologiques.

The Fountain nous raconte le périple d´un homme dont la femme, atteinte d´une tumeur, est promise à la mort. Refusant la fatalité, le héros, chercheur scientifique de profession, lutte jours et nuits pour trouver un remède afin de guérir sa bien-aimée et repousser les limites de la mort. Elle-même n´est pas du tout dans le même état d´esprit. Quelques séquences bien senties nous font comprendre qu´elle est parvenue à exorciser son angoisse par l´écriture de son livre, exutoire à toutes les craintes qu´un être ressent face à la mort qui approche. Du livre, manque le dernier chapitre, qu´elle demande à son mari décrire. << Finis-le >>, lui dit-elle. Cette injonction sera le leitmotiv du récit, comme un propulseur rythmique.

C´est bien de finitude dont il s´agit dans The Fountain. En demandant à son mari de finir le livre, l´héroïne l´invite à effectuer le même parcours qu´elle : désacraliser le mythe de la vie éternelle, regarder et accepter la mort. La fontaine de jouvence n´est qu´une illusion. La mort du conquistador peut se comprendre comme la prise de conscience du héros de la finitude de l´homme. L´idée d´exprimer ce parcours existentiel par le biais d´un livre était très intéressante. Les transitions et les passages d´un << monde >> à l´autre sont très adroits, oscillant entre finesse et ruptures de style violentes. Le sens du montage est évident, rythmant à la perfection le récit. Mais les autres éléments formels amènent à poser des questions sur le rapport entre le cinéaste, le film et le spectateur, qui peuvent se révéler problématiques.

L´impression générale laissée par la mise en scène du questionnement intérieur qui secoue le héros est celle d´une incroyable prétention. La déstructuration de la narration pose problème. Car autant chez certains cinéastes (au premier rang desquels Lynch et Wong Kar Wai), elle est mise au service d´une liberté totale laissée au spectateur, qui a tout loisir de se perdre dans un récit labyrinthique qu´il s´approprie pour en épuiser les champs du possible, autant dans The Fountain, on a le sentiment d´être fait prisonnier par une structure oppressante. Comme si le cinéaste nous dictait quand et comment ressentir et comprendre les choses. Aronofsky ne se contente pas de poser des questions mais y répond avec (trop) d´assurance, flirtant avec l´arrogance. Au lieu de proposer, il impose. Au lieu de nous amener à nous impliquer, il chercher à forcer l´adhésion. Mysticisme, questions existentielles, métaphysiques et théologiques, pourquoi pas. Mais sans tomber dans l´affirmation et la prétention.

La recherche esthétique, tout comme dans Requiem for a dream, est très poussée. Alors certes, cela nous offre quelques très belles images. Mais le résultat reste tellement ostentatoire. Mise en scène et mise en situation des personnages dévient parfois vers l´éthos, donnant l´impression que le cinéaste (s´)affirme dans un discours aux relents rhétoriques prononcés. Il se pose lui-même en juge de son héros.

Tout l´esprit du film est résumé dans le dernier plan, très court, superbe fondu enchaînant blanc et noir, métaphore de la vie et de la mort : a-t-on vraiment le droit, quand bien même on est l´un des cinéastes les plus doués et créatifs de sa génération, de résumer la condition humaine en une dizaine de secondes ?


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