THE EARTH IS BLUE AS AN ORANGE

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Je ne sais pas, la guerre c’est le vide. Tout ce qui était autrefois familier et bruyant devient vide avec elle.

(Ce film a remporté la Mention spéciale du Jury dans la catégorie : Longs Métrages Européens.)

Les explosions, les cris, la peur. Le quotidien d’Anna et sa famille est rythmé par la guerre qui déchire l’Ukraine. Emprisonnée dans la ville qu’elle se refuse de quitter, incapable d’abandonner ses parents et sa sœur, elle tente de trouver pour ses enfants un échappatoire au chaos qui les entoure. Afin de surmonter la destruction : Anna et ses filles décident de la filmer. 

La maison devient alors lieu de tous les possibles, à la fois plateau de tournage, salle de repos et bureau de post-production. Si bien entendu cela n’enlève pas le danger, ni le bruit, et que les inquiétudes restent sagement tapis dans l’ombre, à l’intérieur de ces murs on s’offre un peu de répit. La force du documentaire d’Iryna Tsilyk réside dans cette capacité incroyable à rester sur un fil, en permanence entre l’effroyable et le drôle. Tsilyk nous immerge dans le quotidien d’une famille unie, nous fait suivre leurs moments de joies, de rires, et leurs aventures jusqu’à ce qu’on en oublie la réalité dans laquelle il.elle.s évoluent. Les explosions, les militaires ou encore les bâtiments détruits qui parsèment le film nous rappelant brutalement la situation du pays et transformant notre regard sur le projet d’Anna. Il y a dans les rires, l’urgence désespérée de fuir l’horreur. 

À cheval entre le témoignage et la volonté de parler du cinéma, le documentaire de Tsilyk et le film de la famille sont presque indissociables, voire se confondent parfois et font du documentaire le making off officieux du métrage familial. Ici, créer est un outil. Une façon d’obtenir quelque chose. C’est en imaginant et réalisant leur projet qu’il.elle.s vont trouver une façon de fuir le quotidien tout en se réappropriant leur histoire. Montrant leur vérité, bien loin d’être réduite à une statistique dans un rapport ou à un bulletin d’information du journal de 20H. « Si on parle d’émotion et de sentiment, sans la guerre je serais restée une enfant joyeuse, maintenant je suis tout le temps en colère. » Avec The Earth is Blue as an Orange Tsilyk donne à la guerre, un visage.

Article écrit dans le cadre du festival Premiers Plans.

Titre original : The Earth is Blue as an Orange

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Durée : 73 mn


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