Super Mario Bros. Sortie DVD/BR chez ESC

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30 ans et une adaptation sérieuse plus tard, que peut-on garder de « Super Mario Bros. » ?

Anar’ ou nanar ? Une première incursion du jeu vidéo vers le cinéma. 

Profusément infidèle et chaotiquement barrée, la première adaptation de la licence Super Mario Bros. au cinéma, celle de 1993, a au moins le mérite d’être un film inattendu. Qu’elle ne respecte ni les règles ni l’esthétique du jeu vidéo qu’elle reprend, c’était annoncé dès le départ : « This ain’t no video game », tonnait le slogan de l’époque, formulation reprise pour le titre d’un documentaire sur le film qu’on peut trouver dans les bonus de cette édition. Mais qu’elle se donne les moyens de son manque de respect, qu’elle mette en gras, en italique et en souligné sa désobéissance face aux ténors de Nintendo, c’est plus surprenant, presque une leçon dans le je-m’en-foutisme. Mon grief avec les adaptations de jeux et de jeux vidéo est comme suit : Il s’agit souvent d’un procédé cynique où on s’empare d’une œuvre intéressante et originale qui a son propre langage, afin d’en faire une estampe qui en reprend le titre mais qui est muette, parfaitement interchangeable avec toutes sortes de produits à la chaine made in blockbuster country. Aussi, le film de Rocky Morton et d’Annabel Jankel a de nombreux défauts, dont on peut facilement trouver une liste chez différents chroniqueurs geeks sur Internet. Mais celui d’être un produit à la chaine insipide n’en est pas un. On ne peut pas reprocher au film de ressembler à n’importe quel autre (sur ce point, le plombier à casquette rouge triomphe du hérisson bleu de Sega – Le Sonic, le film de 2020 et sa suite de 2022 pourraient avoir été écrits avec un manuel de scénario sur les genoux). Super Mario Bros. a pourtant littéralement été assemblé dans une usine.

À la base du projet, une idée de Morton et Jankel. À quoi ressemblerait le monde moderne si l’humanité ne descendait non pas des primates, mais des dinosaures ? Comment se déroulerait une aventure dans un univers alternatif qui nous mettrait face à des technocrates décadents aux sangs froids, littéralement reptiliens, sur un terrain de jeu qui leur appartient ? Cette prémisse, bien sûr, n’a rien ou si peu à voir avec les péripéties que vit d’ordinaire Mario. En revanche, on comprend comment les deux cinéastes y sont arrivés, en tant que réalisateurs Américains. En effet, à l’époque, il semble qu’une fascination pour les dinosaures ait été de mise. Leurs puissances, leurs démesures, leurs griffes, leurs crocs – Tout dans l’écosystème surdimensionné qu’on découvrait du crétacé portait à impressionner. On se demandait comment de telles créatures avaient pu disparaître, et de cette problématique émergeait assez naturellement des métaphores sur l’hubris de l’homme. Au cinéma, Spielberg préparait son Jurassic Park, à sortir peu après Super Mario. Du côté de la télévision satyrique, la série animatronique Dinosaures était dans sa troisième saison. Également issus du monde de la télé parodique, on peut imaginer que Morton et Jankel ont sauté sur l’occasion. Leur création la plus connue était Max Headroom, sorte d’émission cyberpunk post-apo-cathodique où la Terre était tombée dans une télécratie, mettons, une reprise des fictions exagérées mises en abime dans les fictions de Paul Verhoeven. Et effectivement, dans Mario, le personnage de Bowser (ici appelé le roi Koopa, et interprété par Dennis Hopper) a des airs de parenté avec l’anti-héros hacker éponyme de Max Headroom.

Une gestion presque camp des costumes par Joseph A. Porro.

Fascinant, le film l’est plus pour sa conception que pour son contenu. Enthousiasmant, le film l’est plus pour les décors de David L. Snyder que pour les dialogues, entre autres, d’Ed Solomon (La distribution n’est pas à blâmer. Outre Hopper qui cabotine, Bob Hoskins, Lance Henriksen ou Dan Castellaneta sont des valeurs sûres. Et John Leguizamo est souvent très amusant dans des bons films, et encore meilleur dans des mauvais). Quiconque aime les créations d’univers foutraques et bordéliques dans le septième art en a pour son argent : On ne se lasse pas d’imaginer ces grilles, ces piques et ces bâtiments brinquebalants investir petit à petit l’usine de ciment, donc, choisie par la production comme lieu de tournage. Et on ne se lasse pas, sur les bonus, de voir toute l’équipe du film interagir entre eux comme au quotidien, au sein de ce monde dystopique (dinotopique ?) où tout ressemble à une décharge pleine de clips de Talking Heads (Morton & Jankel ont réalisé celui du titre Blind). Super Mario Bros. n’est pas un film d’auteur. C’est pourtant évident que c’est un long-métrage qui n’aurait pu sortir que de cette époque, et que de ce duo de cinéma amoureux de tapis de salles d’arcade, de crystal pepsi et de téléphones portables avec antennes. Ce n’est pas parce que personne ne leur a demandé de réaliser une fresque sur des techno-élites tellement puissantes qu’elles deviennent capables de faire dé-évoluer leurs pairs, qu’on ne peut pas être intrigués de la tentative. Et ce n’est pas parce que le résultat est bancal qu’on ne peut pas honorer ses acrobaties !

En outre, Super Mario Bros. version 1993 se sera déniché des fans à l’heure des réseaux en ligne. Du côté des bibliothécaires numériques, sur l’Internet Archive, le spectateur peut en effet trouver la director’s cut du film, plus longue de 20 minutes. Et surtout, Super Mario aura trouvé résonance dans les recoins les plus post-ironiques du néo-audiovisuel ! Sur la même Internet Archive, on a tout loisir de visionner, gratuitement, le film Vapor Mario, de l’utilisateur Racertrash, qui remonte des images du film avec celles d’autres long-métrages et de diverses publicités afin de proposer une œuvre néon et psyché. La regardant, on peut découvrir un portrait glitché et ‘tronique du capitalisme comme de l’assassinat méthodique des signifiants et des sens au profit d’images aussi belles que planes. L’absorbant, on y verra un chant du cygne pour une conception profondément nineties de la technologie, c’est-à-dire celle d’une force mycophorme et anthropophage qui, une fois qu’elle aura tout dévoré, ne sera rien de plus que la nouvelle incarnation de la nature.

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Durée : 104 mn


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