States of Grace
Article écrit par Pauline Labadie
Petit précis de sensiblerie sur des ados en souffrance.
Evidemment le film est attirant, il laisse entendre qu’il va nous envoyer au fond de notre siège, le cœur gros et la larme qui roule. Une affiche jaune solaire, un passage à Deauville et le prix d’interprétation féminin de Locarno 2013, une bande de jeunes assis en rond et deux acteurs plutôt sympas, Brie Larson (21 Jump Street, Phil Lord, Chris Miller, 2012, et The Spectacular Now, James Ponsoldt, 2013 entre autres) et John Gallagher Jr. (The Newsroom, Aaron Sorkin, 2012). Les états de Grace donc, jeu de mots entre le nom de l’héroïne et les phases de boomerang émotionnel dont le réalisateur va délecter le spectateur.
Il est question d’un foyer en Californie accueillant des ados en situation de crises aigües : parents violents, abusifs, agresseurs sexuels. Grace est directrice, et lorsqu’une jeune fille présente les mêmes symptômes traumatiques que les siens quand elle était jeune, l’ancienne victime redevient victime, avant de redevenir battante.
Le jeune réalisateur Destin Cretton était éducateur. Il connait donc son sujet, argument infaillible d’un cinéma qui détiendrait la preuve de sa légitimité par le vrai. Ne nous trompons pas de cible ici. Le socio-éducatif, c’est bien. Les films avec des ados, c’est bien. Le cinéma documentaire, c’est bien aussi. Une tambouille des trois par contre, sans sujet ni projet de mise en scène autre que de l’instagram animé et des plans rapprochés sur de l’indie pop, n’accouche pas d’un film honnête.
Plutôt un grand déballage sur la courageuse « humanité » des personnages face au nombre de crasses incalculables que leur font subir les adultes, bien entendu invisibles. On entend déjà les hourras sur la « sensibilité » et la « sincérité » d’un film qui justement s’échine à démontrer son message sibyllin à coup de situations de violences et de storytelling fin comme du gros sel. Traduction, « être traumatisé c’est dur, mais on s’en sort ».
L’année prochaine, The Breakfast Club (John Hughes, 1985) fêtera ses trente ans. Rien à voir a priori, le film de John Hughes était de la pure fiction, avec Keith Forsey et Simple Minds en BO, un produit hollywoodien rose bonbon sur les stéréotypes avec des personnages stéréotypés, tandis qu’ici on colle au réel, on parle des vraies blessures. Etrange comme une bonne part du cinéma indépendant américain actuel (Detachment, Tony Kaye, 2011 ; Half Nelson, Ryan Fleck, 2006…), à ambition et sujet égaux, est incapable d’atteindre le niveau de vitalité et d’efficacité d’un des premiers teen movies modernes.