Somebody Up There Likes Me

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Charmant film indé tendance « mumblecore », à mi-chemin entre Todd Solondz et les frères Safdie.

Le mumblecore, c’est d’abord un mot formulé pour la première fois en 2005 lors du South by Southwest Film Festival d’Austin – Somebody Up There Likes Me y a été présenté en 2011. Il désigne une certaine école du cinéma indépendant américain regroupant des films plutôt fauchés, basés sur les relations entre des personnages trentenaires, souvent paumés et pas avares en discussions réalistes principalement improvisées. En anglais, mumble signifie marmonner. On parle beaucoup dans le film de Bob Byington, qui se défend toutefois d’appartenir à la mouvance du mumblecore : il est vrai que les dialogues y sont plus écrits, qu’on y marmonne moins. Disons alors, pour mettre tout le monde d’accord, que Somebody Up There Likes Me est post-mumblecore. Notons tout de même qu’au générique sont crédités notamment Andrew Bujalski, surnommé le « parrain du mumblecore », qui avait fait tourner Byington dans son Beeswax (2009, inédit en France), et Alex Ross Perry, réalisateur de The Color Wheel (2012), pas éloigné non plus d’une certaine idée du cinéma indé américain.

On le dit, parce que Somebody Up There Likes Me présente à première vue toutes les caractéristiques d’une frange de films dits « sundanciens », avec ses tics et ses manières : dialogues décalés, parfois à la frontière de l’intelligible ; personnages désabusés, neurasthéniques en diable ; musique indie (on la doit ici à Chris Baio, bassiste des hautement dandy Vampire Weekend). Cela posé, on peut dire aussi que le film de Bob Byington s’en éloigne assez rapidement, dans la manière qu’il a par exemple de se différencier de ses contemporains par son ton fantasque. Ici, une valise héritée d’un père trépassé et qui renvoie directement à la mallette de En quatrième vitesse (Robert Aldrich, 1955) semble offrir à Max, bientôt 30 ans, le secret d’une jeunesse éternelle. Somebody Up There Likes Me débute sur cette valise, finit dessus : de son contenu, on ne saura rien, sinon qu’elle traverse les époques et que, remisée au placard, elle continuera d’intriguer. Entre-temps, Max se sera marié deux fois, divorcé autant ; aura succombé à la crise de la quarantaine avec sa baby-sitter ; sera devenu entrepreneur à succès ; aura perdu son ex-femme d’une maladie foudroyante. Tout cela sans jamais se départir de son visage de poupon adulescent demeuré dans un temps où les responsabilités glissaient alors sur lui.

 
 

 
 
Car Somebody Up There Likes Me ne parle finalement que de ça : infidélité, pauvreté soudaine, angoisses aiguës découlent toutes d’un refus farouche de la réalité, de ses responsabilités et de ses conventions. Difficile pour Max et son associé Sal (Keith Poulson et Nick Offerman, pour lesquels le film a été écrit, tous deux savoureux) de vendre une glace à un client dont ils désapprouvent le choix de parfums ; Max ne comprend pas bien pourquoi on n’achète pas de fleurs dans un distributeur, ni au supermarché, mais « chez un fleuriste ». Le film de Byington, s’il est globalement amusant et lumineux, distille aussi une noirceur de tous les instants qui le rapproche du cinéma de Todd Solondz : la détresse de ses personnages, si elle s’exprime avec humour dans des dialogues irréprochables, est bien réelle. La tragédie le dispute à la comédie, évoquant ici et là les films des frères Safdie, notamment la scène de Lenny and the Kids (2010) dans laquelle le père, pour avoir la paix le temps d’une soirée, manquait d’assassiner ses enfants en leur administrant trop de somnifères. Si l’ensemble est charmant, c’est qu’il ne se prend pas au sérieux, mais prend le temps d’installer Max et les autres dans une succession de cycles qui vont trop vite pour eux. Au final, ils savent bien que la vie, c’est drôle, est une tragédie.

Titre original : Somebody up there likes me

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Durée : 76 mn


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